Les débiteurs personnes physiques ne peuvent être actionnées en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Cass. Com. 30 juin 2015, Pourvoi n°14-15.984 F-P+B

 

L’arrêt commenté ressemblerait presque à une question piège posée à des étudiants en droit, dont la réponse semble avoir échappé tant aux parties qu’aux juridictions du fond.

 

En l’espèce, un chauffeur routier, exerçant à titre individuel, est placé en liquidation judiciaire.

 

Dans ce cadre, le liquidateur assigne une grande enseigne de distribution en responsabilité pour insuffisance d’actifs, estimant que cette dernière exerçait, de fait, la direction de l’entreprise.

 

En effet :

 

       Elle fixait les horaires de livraison du transporteur cinq jours par semaine ;

       Elle décidait de sa rémunération ;

       Elle constituait l’unique client du transporteur ;

 

De sorte que le liquidateur concluait à l’existence d’actes positifs de gestion et de direction, constitutifs d’une gérance de fait. Une fois cette démonstration apportée, le liquidateur recherche donc la responsabilité du donneur d’ordres pour insuffisance d’actifs.

 

Tout le débat, devant les juridictions fond, a porté sur ces questions d’actes positifs de gestion.

 

Devant la Cour de Cassation, les moyens soutenus tournent une fois de plus sur ces questions.

 

Mais la Cour balaye l’ensemble des arguments, statuant par substitution de motifs.

 

Elle rappelle en effet la lettre du texte applicable, l’article L651-2, qui dispose :

 

« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables ».

 

Elle est souligne, que l’action en insuffisance ne peut viser que les dirigeants de « personnes morales ». Or, en l’espèce, le débiteur exerçait en nom propre. De sorte que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs ne pouvait être introduite à l’encontre de son dirigeant (puisqu’il n’y pas de patrimoine distinct), et donc par extension… à l’encontre d’un dirigeant de fait !

 

L’action est donc purement et simplement irrecevable, sans que la question des éventuels actes positifs de gestion ne revête une quelconque pertinence !

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocat

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