Le non-paiement des heures supplémentaires : mise au point réalisée par la Cour de cassation.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Arrêts de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 14 novembre 2018, n°17-18.890, n°17-16.959 et n° 17-20.659

 

Dans le premier arrêt (n°17-18.890), un salarié reprochait à son employeur le non-paiement de toutes les heures supplémentaires effectuées entre juin 2008 et août 2013.

 

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin de faire juger, que sa prise acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

La cour d’appel a retenu que le manquement était ancien et que le salarié n’avait fait aucune demande de régularisation officielle pendant plusieurs années, par conséquent il ne s’agissait pas d’un manquement suffisamment grave de nature à avoir fait obstacle ou à rendre impossible la poursuite entre les parties de l’exécution du contrat de travail.

 

La Cour de cassation confirme le raisonnement de la cour d’appel, considérant que le non-paiement des heures supplémentaires, bien que constaté (404 heures en l’espèce), ne justifie pas systématiquement la résiliation judiciaire du contrat de travail.

 

Bien qu’étant un cas d’espèce, cette solution semble inédite.

 

En effet, pour qu’elle soit prononcée aux torts de l’employeur et produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit reposer sur des manquements de l’employeur suffisamment graves pour faire obstacle ou rendre impossible la poursuite de la relation de travail entre les parties (jurisprudence constante depuis mars 2014).

 

Pour autant, lorsque les griefs invoqués sont anciens, la Cour de cassation a régulièrement considéré que les juges du fond peuvent décider que la prise d’acte est injustifiée. (Cass. soc. 26-3-2014 n° 12-23.634).

 

Or, en l’espèce le salarié faisait de manquements anciens mais également récent, pour autant telle n’est pas la solution approuvée par la Cour de cassation.

 

Dès lors le caractère ancien du manquement de l’employeur, retire toute notion de gravité à ce dernier.

 

Dans les deux autres arrêts (n° 17-20.659, n°17-16.959), la Cour de cassation rappelle le principe suivant, la réalisation d’heures supplémentaires peut être effectuée par le salarié sans qu’il ne soit nécessaire d’obtenir une autorisation préalable et expresse de l’employeur.

 

Ainsi, dans la première espèce, un salarié avait été débouté de sa demande de rappel de salaires par la cour d’appel au motif que l’employeur :

 

 « a indiqué dans plusieurs lettres ou courriers électroniques adressés au salarié qu’il devait respecter la durée de travail de 35 heures par semaine et que les heures supplémentaires devaient faire l’objet d’un accord préalable avec le supérieur hiérarchique », qu’il a démontré que les heures supplémentaires se sont fait « contre son avis » et que « le salarié n’a pas à placer l’employeur qui subordonne l’exécution des heures supplémentaires à son accord préalable, devant le fait accompli, sauf abus de sa part »

 

Le raisonnement de la cour d’appel est censuré par la Cour de cassation qui reproche aux juges de ne pas avoir recherchés si les heures de travail accomplies avaient été rendues nécessaires à la réalisation des tâches confiées au salarié, confirmant dès lors sa jurisprudence (Soc. 19 avr. 2000, n° 98-41.071).

 

Il appartient donc aux juges du fond d’apprécier la charge de travail confiée par l’employeur au salarié, laquelle justifierait l’accomplissement tacite d’heures supplémentaires, alors même que l’employeur c’était opposé à leur réalisation….

 

Par ailleurs, dans la seconde espèce, la cour d’appel a pour condamner un employeur au paiement considéré que les heures supplémentaires étaient rendues nécessaires en raison de la charge de travail imposée au salarié.

 

L’employeur s’était pourvu en cassation, invoquait l’absence de sollicitation de son autorisation, comme cela avait été convenu au sein du contrat de travail.

 

Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation, qui confirme que les heures supplémentaires sont dues lorsqu’elles ont été rendues nécessaires par les tâches confiées, mais également qu’une clause contractuelle ne saurait soumettre le paiement des heures supplémentaires à l’autorisation préalable et expresse de l’employeur (Soc. 16 mai 2012, n° 11-14.580).

 

En définitive, le contentieux des heures supplémentaires n’a pas fini de prospérer, dans la mesure où le salarié, comme l’employeur peut être à l’initiative de la réalisation des heures supplémentaires dès lors qu’elles sont justifiées par les nécessités de l’activité. La seule solution pour l’employeur étant de s’assurer que la charge de travail confiée à ses salariés corresponde à la durée contractuellement fixée.

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