SOURCE : CE 31 janvier 2014, req. n°362444, publié au recueil Lebon.
En l’espèce, les requérants avaient présenté une demande de changement de nom sur le fondement de l’article 61 du code civil afin de substituer à leur patronyme le nom de leur mère.
Aux termes de l’article 61 du code civil, « Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de nom. Le changement de nom peut avoir pour objet d’éviter l’extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu’au quatrième degré. Le changement est autorisé par décret ».
Les demandes des requérants avaient été rejetées par deux décisions du Garde des Sceaux en date du 24 février 2009.
Saisi d’un recours en annulation à l’encontre de ces dernières décisions, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de requérants, par un jugement ensuite confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 6 juillet 2012.
Les juges du fond avaient considéré que le Garde des Sceaux n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation en retenant le défaut d’intérêt légitime à changer de nom chez les requérants.
Telle ne sera pas l’appréciation portée par Conseil d’Etat, réglant l’affaire au fond, après avoir cassé et annulé la décision des juges d’appel pour erreur de droit.
Les juges d’appel avaient commis en effet une erreur de droit en se limitant, dans l’appréciation de l’intérêt légitime à changer de nom, à un examen de l’erreur manifeste d’appréciation, en lieu et place d’un contrôle normal.
En pareille hypothèse, le juge ne doit pas rechercher la disproportion flagrante (erreur manifeste d’appréciation) mais rechercher si le refus de changement de nom était en adéquation avec l’intérêt invoqué.
Se livrant donc à un contrôle normal, le Conseil d‘Etat a considéré que les requérants arguaient en réalité d’un intérêt légitime à changer de nom, dès lors que des motifs d’ordre affectif pouvaient, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l’intérêt légitime requis par l’article 61 du code civil.
En l’espèce, les requérants avaient été brutalement abandonnés par leur père, alors qu’ils étaient respectivement âgés de 11 ans et de 8 ans, et que celui-ci n’avait plus eu aucun contact avec eux. En outre, leur père n’avait subvenu ni à leur éducation, ni à leur entretien, alors qu’il y était tenu en vertu du jugement ayant prononcé le divorce, et qu’il n’avait jamais exercé le droit de visite et d’hébergement reconnu par ce même jugement.
Dans ces conditions, les requérants souffraient de traumatismes physiques et physiologiques depuis cet abandon, et souhaitaient ne plus porter le nom de leur père, et se voir attribuer celui de leur mère.
Le Conseil d’Etat a ainsi jugé ces circonstances exceptionnelles comme étant de nature à caractériser l’intérêt légitime requis pour changer de nom, et par conséquent, a annulé les décisions des juges d’appel et du Garde des Sceaux.
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats