Groupement solidaire et demande personnelle sont compatibles

Amandine Roglin
Amandine Roglin

Les membres d’un groupement solidaire, sont recevables à demander le paiement, pour leur propre compte des seules prestations qu’ils ont effectuées, y compris lorsque le marché ne précise pas la répartition des tâches de ce groupement

Source : Conseil d’Etat 19 mai 2022, n° 45 4637

I –

Le Conseil d’État a complété sa jurisprudence relative aux conséquences contentieuses de la représentation mutuelle des entreprises ayant formé un groupement solidaire pour l’exécution du marché dont elles sont titulaires.

II –

En l’espèce, dans le cadre d’un chantier de construction d’un centre hospitalier, la maîtrise d’œuvre avait été confiée à un groupement solidaire d’entreprises.

L’architecte du groupement, avait réclamé au maître d’ouvrage le règlement de l’une de ses notes d’honoraires.

Confronté au refus du maître d’ouvrage, l’architecte avait porté son litige devant le Tribunal administratif.

III –

En première instance tout comme en appel, sa demande a été rejetée.

La cour administrative d’appel avait jugé qu’il n’était pas recevable à demander le paiement des seules prestations qu’il avait lui-même effectuées puisqu’aucune répartition des tâches n’avait été prévue par le marché entre les membres du groupement solidaire.

IV –

Le Conseil d’État a annulé cet arrêt pour erreur de droit.

Certes, les entreprises ayant formé un groupement solidaire pour l’exécution du marché dont elles sont titulaires sont réputées se représenter mutuellement, dès lors qu’aucune répartition des tâches n’a été faite entre elles par le marché (CE, 11 mai 2011, n° 327452). Chacune d’entre elles peut donc agir en justice pour réclamer au maître de l’ouvrage des sommes dues au groupement (CE, 25 juin 2004, n° 250573) et leurs conclusions doivent, en principe, être regardées comme présentées au nom et pour le compte des membres du groupement et peuvent tendre au paiement du solde global du marché.

Cependant, comme le rappelle le Conseil d’État, cette représentation mutuelle cesse lorsque les membres du groupement, présents à l’instance, formulent des conclusions divergentes (CE, 31 mai 2010, n° 323948). Il ajoute que le membre d’un groupement solidaire, qu’il soit ou non le mandataire, est recevable à demander le paiement, pour son propre compte des seules prestations qu’il a effectuées, y compris lorsque le marché ne précise pas la répartition des tâches de ce groupement.

L’architecte était donc fondé dans sa demande.

V –

La solution adoptée antérieurement par une cour administrative d’appel qui avait affirmé que le membre d’un groupement solidaire ne pouvait demander la condamnation du maître de l’ouvrage à payer le solde des travaux qu’il a effectués à titre personnel si l’acte d’engagement ne répartissait pas les paiements (CAA Nantes, 4e ch., 14 nov. 2014, n° 13NT01018), est donc remise en cause.

Le Conseil d’État précise, par ailleurs, les conséquences d’une telle solution pour le maître de l’ouvrage : dès lors qu’il a acquitté les sommes correspondant à ces prestations ou est condamné par le juge du contrat à les verser, il est libéré de sa dette à concurrence du montant des sommes correspondantes à l’égard de l’ensemble des membres du groupement.

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