Source : Civ. 3e, 12 juill. 2018, FS-P+B+I, n° 17-19.701
La chambre de commerce et d’industrie du Puy-de-Dôme a fait édifier, en qualité de promoteur, un groupe d’immeubles dénommé Résidence Galerie des Molles, qu’elle a vendu par lots en l’état futur d’achèvement.
Le syndicat des copropriétaires a autorisé la société BNP Paribas à effectuer des travaux dans un local commercial lui appartenant et situé au rez-de-chaussée du bâtiment E.
Les travaux, entraînant la suppression de toutes les cloisons intérieures du local réaménagé, ont été réalisés en septembre et octobre 2011.
Des fissures étant apparues, le syndicat a, après expertise, assigné la chambre de commerce et d’industrie du Puy-de-Dôme, la société BETMI, bureau d’études techniques lors de la construction de l’immeuble, qui a mis en cause la société Socotec, chargée du contrôle technique.
Pour condamner la société BETMI à payer diverses sommes au syndicat des copropriétaires, la Cour d’appel retient que le plancher litigieux souffre de deux défauts majeurs, les caractéristiques mécaniques du béton sont faibles, proches de la valeur minimale imposée pour qu’un ouvrage en béton puisse être apte au béton armé, et les plans d’armatures établis par la société BETMI ne sont pas conformes et conduisent à un déficit en armature de quatre-vingt-trois pour cents, que seul le cloisonnement établi au rez-de-chaussée par la banque utilisatrice des lieux permettait de rigidifier la dalle au-dessus, alors que ces cloisons n’étaient pas conçues pour ce faire et n’étaient d’ailleurs pas prévues sur les plans initiaux de l’immeuble, que l’ingénieur ayant procédé aux calculs note que le déficit d’armatures est tellement élevé qu’il n’est pas concevable de garder cette dalle en l’état et que l’expert judiciaire conclut que les désordres sont donc consécutifs à une erreur de conception de la société BETMI tout en précisant que la qualité du béton était à la limite de l’acceptable et que l’ampleur considérable du déficit de ferraillage du béton armé conduisant à poser une dalle, qui n’avait résisté jusqu’à présent que grâce aux cloisons installées en-dessous alors qu’elles n’étaient pas prévues pour cet usage, caractérise de la part d’un professionnel une faute lourde tellement grave qu’elle doit être qualifiée de dolosive.
Cet arrêt est censuré par la Troisième chambre considérant : « Qu’en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser que la société BETMI aurait violé ses obligations contractuelles par dissimulation ou par fraude et, partant, commis une faute dolosive, la cour d’appel a violé les textes susvisés », savoir, les articles 1147 et 1150 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
Il ne suffit donc pas, selon la Cour de cassation, de relever l’existence d’une « faute lourde tellement grave » pour que celle-ci puisse être qualifiée de dolosive, la Cour de cassation exigeant que soit également démontré « la dissimulation ou la fraude » et donc une volonté délibérée de commettre le dommage, étant rappelé que la Cour de cassation n’exige pas, pour qualifier une faute de dolosive, la démonstration d’une intention de nuire.
Delphine VISSOL
Vivaldi-Avocats