Droit de repentir du bailleur

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : 3ème civ, 1er octobre 2014, n° 13-17114, FS-P+B

 

Le droit de repentir est le droit accordé au bailleur ayant refusé le renouvellement du bail et tenu au paiement d’une indemnité d’éviction au profit du preneur, de revenir sur son refus pour se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction, dont le montant peut s’avérer très élevé.

 

Le régime de ce droit est fixé à l’article L145-58 du Code de commerce, aux termes duquel :

 

« Le propriétaire peut, jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l’indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu’autant que le locataire est encore dans les lieux et n’a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation. »

 

Une lecture stricte de l’article conduit à retenir 4 conditions pour l’application de ce droit :

 

Le respect d’un délai : 15 jours maximum à compter d’une décision passée en force de chose jugée[1]. Ce sera, soit le prononcé d’un arrêt de cour d’appel, soit un jugement, sur la base du certificat de non-appel. Le bailleur avisé n’attendra donc pas la signification de l’arrêt de la Cour d’appel, ni le pourvoi en cassation, pour exercer son droit de repentir[2] ;

 

Un consentement au renouvellement du bail : il doit être clair et sans équivoque. Une simple lettre adressée à l’expert contenant renonciation à l’expertise avec offre vague d’un arrangement sera donc inopérant[3] ; de même, s’agissant d’un renouvellement du bail, la proposition de conclusion d’un nouveau bail à des clauses et conditions différentes de celles du bail expiré ne sera pas considérée comme exercice du droit de repentir [4] ;

 

Un preneur toujours dans les lieux, hors cas de mauvaise foi ;

 

Supporter les frais de l’instance, qui comprendront les dépens et l’article 700[5].

 

C’est sur cette dernière condition que porte l’espèce, un bailleur ayant refusé de s’acquitter des frais de l’instance. Le preneur en avait déduit qu’il n’avait donc pas valablement exercé son droit de repentir puisqu’il n’avait pas souhaité supporter les frais d’instance. Cette condition étant inhérente au droit, il sollicitait ainsi la nullité de l’exercice du droit de repentir.

 

Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ne partagent pas sa position et le déboutent de sa demande :

 

« le paiement des frais de l’instance est une conséquence de l’exercice du droit de repentir et non une condition de sa validité ».

 

Les frais et dépens exposés, voir réglés, seront donc simplement considérés comme une créance du preneur à l’encontre du bailleur, consécutifs à l’exercice du droit de repentir.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Contrairement au droit d’option (art L145-57) qui s’exerce dans le mois de la signification d’une décision définitive

[2] 3ème civ, 29 septembre 1999, n°96-17280, Publié au Bulletin

[3] Civ, 9 avril 1970, Ann., Loy., 1970-1739

[4] 3ème civ, 22 novembre 2011, n°10-26021

[5] 3ème civ, 27 mars 2002, Bull n°76 p66

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