Création par un associé de SARL d’une activité concurrente : concurrence déloyale ou pas ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass. com., 03 mars 2015, Arrêt n° 234 F-D (n° 13-25.237).

 

Une SARL ayant pour activité commerciale le conseil en systèmes informatiques a été créée entre deux associés le 07 avril 2005.

 

En raison d’une divergence de vue dans la gestion de la société perdurant depuis le début de l’année 2009, l’un des associés décidait de démissionner de ses fonctions de gérant, sans préavis, à compter du 10 décembre 2009.

 

Dans le même temps, il prenait l’initiative de créer une activité commerciale concurrente de conseil en systèmes et logiciels informatiques, de même qu’il commençait à démarcher activement les clients de la société pour leur proposer des prestations identiques à celles offertes par la société qu’il venait de quitter.

 

Il va finalement céder ses parts de la société à son coassocié, cette cession étant agréée par une délibération de l’Assemblée Générale Extraordinaire de la société du 10 janvier 2011, autorisant la gérance à effectuer le rachat le 28 février au plus tard.

 

Dans le cadre de cette cession, l’associé cédant a pris l’engagement de ne pas démarcher la clientèle de la société, dont les noms étaient annexés au procès verbal de l’Assemblée et ce pendant 18 mois.

 

Toutefois, considérant que l’associé avait commis des agissements déloyaux à son égard entre le moment de son départ de la société et celui de la cession de ses parts, la société l’assignait en réparation des dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale qu’elle estimait avoir subie.

 

Déboutée par les Premiers Juges, la société va voir ses demandes accueillies par la Cour d’Appel de SAINT DENIS DE LA REUNION dans un Arrêt du 15 juillet 2013 qui va considérer que l’associé a détourné de la société dont il était encore associé une partie de sa clientèle pour se constituer une clientèle personnelle, alors qu’il avait le projet de la quitter et qu’agissant ainsi au mépris de la plus élémentaire loyauté, il avait commis une faute engageant sa responsabilité, faute étant en lien direct avec la perte de rentabilité de la société, correspondant pour une large part, au marché perdu du fait de ses agissements, de sorte que la Cour d’Appel condamne l’ancien associé à indemniser la société en réparation de sa concurrence déloyale.

 

Ensuite de cette décision, l’associé se pourvoit en Cassation.

 

Bien lui en prit, puisque la Haute Cour, au visa des dispositions de l’article 1382 du Code Civil, relevant que sauf stipulation contraire, l’associé d’une société à responsabilité limitée n’est pas, en cette qualité, tenu de s’abstenir d’exercer une activité concurrente de celle de la société et doit seulement s’abstenir d’actes de concurrence déloyale, et relevant que, pour condamner l’associé à payer à la société des dommages et intérêts, l’Arrêt d’Appel relève que moins d’un mois après avoir quitté ses fonctions de gérant, l’associé de la société avait démarché activement 3 des importants clients de celle-ci et avait proposé à l’un d’entre eux des prestations identiques à un prix légèrement inférieur à celui pratiqué habituellement par la société, qu’il constate que celui-ci avait fondé une nouvelle société, laquelle avait embauché un salarié licencié de la société pour faute, et qu’il relève encore que lors du rachat de ses parts, l’associé a souscrit l’engagement de ne pas démarcher certains des clients de la société, bien qu’il ait effectué de tels démarchages durant la période précédant ce rachat, de sorte qu’il a ainsi démarché de manière déloyale certains des clients de la société, et qu’en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser des actes de concurrence déloyale à l’encontre de l’ex-associé, qui n’était tenu, en sa qualité d’associé, à aucune obligation de non concurrence, la Cour d’Appel a violé les dispositions légales.

 

Par suite, la Chambre Commerciale casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’Arrêt rendu entre les parties.

 

Décision somme toute logique, les actes reprochés à l’ancien associé ayant été commis avant l’engagement de sa part de ne pas démarcher les clients de la société, ce n’est que dans l’hypothèse où, les statuts de la société auraient contenu une clause de non concurrence qu’il aurait été possible de lui reprocher ses agissements ; or, ce n’était pas le cas en l’espèce.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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