Comportement non fautif de l’acquéreur non lié contractuellement à l’agent immobilier

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

 

SOURCE : Cass. 1re civ., 6 avr. 2016, n° 15-14.631, F. : JurisData n° 2016-006441

 

Des propriétaires ont confié à un agent immobilier un mandat exclusif de vendre leur maison au prix de 460 000 euros, outre les honoraires de l’agence immobilière fixés à la somme de 23 000 euros, soit un prix total de 483 000 euros.

 

Après expiration de la période d’exclusivité, l’agent a fait visiter le bien à des acquéreurs potentiels qui ont émis une offre d’achat d’un montant global de 460 000 euros, frais d’agence inclus.

 

Des tiers ayant présenté une offre supérieure, ces acquéreurs potentiels ont immédiatement formulé, par l’intermédiaire d’une autre agence immobilière, une nouvelle offre au prix total de 475 000 euros, laquelle a été acceptée par les vendeurs.

 

C’est dans ces circonstances que l’agent immobilier, privé de sa commission, a assigné les vendeurs et les acquéreurs sur le fondement de l’article 1382 du code civil en indemnisation de son préjudice.

 

La Cour d’appel de ROUEN rejette sa demande.

 

L’agent immobilier saisit alors la Cour de cassation arguant de ce que l’acquéreur qui visite un bien par l’entremise d’une agence immobilière s’oblige à lui soumettre en priorité les offres d’achat qu’il formule ; qu’en jugeant qu’aucune faute n’était imputable aux acquéreurs au motif « qu’il était effectivement loisible aux consorts Z…-A… d’avoir recours à l’intermédiaire d’une autre agence », quand il résultait de ses propres constatations qu’ils n’avaient pas soumis au Cabinet Delaitre, qui le leur avait pourtant fait visiter, l’offre d’achat de l’immeuble litigieux d’un montant de 475 000 euros, bien supérieur à celle adressée à ce cabinet, qu’ils ont soumise dès le lendemain à un concurrent ne leur ayant pas fait visiter le bien, de sorte qu’ils avaient fait preuve d’un comportement déloyal à l’égard du Cabinet Delaitre, le privant fautivement de la commission à laquelle il avait droit, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant, violé l’article 1382 du code civil.

 

Pour contester toute faute de leur part, les acquéreurs, lesquels se gardent de faire état de ce que la commission de la seconde agence était inférieure de 8000 € à celle de la première ce qui, raisonnablement, pouvait les inciter à changer d’interlocuteur, se prévalent :

 

en premier lieu, d’une lettre du 3 avril 2010 qu’ils prétendent avoir adressé à l’agent immobilier et suivant laquelle ils prennent unilatéralement acte d’un prétendu refus de vente – étant relevé qu’il ressort toutefois de l’arrêt que rien ne prouve que celle-ci ait effectivement été envoyée et à tout le moins reçue par l’agent immobilier…

 

en second lieu, ne pas être contractuellement liés au cabinet DELAITRE et que leur offre, fut-elle transmise par l’intermédiaire de cet agent immobilier, les liait seulement aux vendeurs.

 

C’est donc ce second moyen qui est retenu par la Cour de cassation, sa 1ère chambre considérant par cet arrêt publié, que « n’est pas fautif le fait, pour l’acquéreur non lié contractuellement à l’agent immobilier par l’intermédiaire duquel il a visité le bien, d’adresser une nouvelle offre d’achat aux vendeurs par l’intermédiaire d’un autre agent immobilier également mandaté par ces derniers » et que c’est donc à bon droit que la cour d’appel a décidé qu’il était loisible à Mme Z…et M. A…, qu’aucun contrat ne liait au Cabinet Delaitre dont la clause d’exclusivité était expirée, de recourir, sans faute de leur part, à une autre agence immobilière pour proposer une nouvelle offre d’achat aux vendeurs.

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

 

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