Compétence du juge administratif pour connaître des appels en garantie formés par les constructeurs dans le cadre d’un litige né de l’exécution d’un marché public de travaux

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

 

SOURCE : TC, 9 février 2015, Société Ace European Group Limited, n° 3983, A.

 

En l’espèce, dans le cadre d’un litige relatif aux désordres affectant une école communale, le juge judiciaire avait été saisi à la fois par l’assureur dommage ouvrage, subrogé dans les droits de la commune, pour connaître de son action engagée contre les constructeurs, et par ceux-ci mêmes pour connaître des actions en garantie engagées entre eux.

 

Tant s’agissant de l’action formée par l’assureur que de celle formée par les membres du groupement de maîtrise d’œuvre, le juge judiciaire avait décliné sa compétence au profit du juge administratif.

 

Si le juge administratif avait réglé le litige opposant l’assureur, subrogé dans les droits de la commune, et les constructeurs, celui-ci s’était néanmoins estimé incompétent pour connaître des appels en garantie des constructeurs, et avait sursis à statuer sur leurs demandes dans l’attente de la décision du Tribunal des conflits, alors saisi de la question.

 

Dans sa décision du 9 février 2015, le Tribunal a considéré que, dans le cadre d’un litige relatif à l’exécution d’un marché public de travaux, opposant le maître d’ouvrage public aux constructeurs ayant constitué un groupement pour ce faire, le juge administratif était compétent pour connaître des actions en garantie engagées par la suite par les constructeurs lorsque :

 

– le marché public indiquait la répartition des prestations entre les membres du groupement ;

 

– à défaut d’une telle indication au sein du contrat administratif, la convention de droit privé indiquant la répartition des prestations ne soulevait aucune difficulté sérieuse quant à sa validité ou son interprétation.

 

Cette décision constitue un revirement partiel de la jurisprudence du Tribunal sur la question.

 

En effet, l’on sait que depuis l’arrêt De Castro, la compétence du juge administratif est acquise dans le cadre de litiges relatifs à l’exécution de marchés publics de travaux, eu égard à la seule nature de l’opération _ travaux publics_, et ce en-dehors même de l’hypothèse d’appels en garantie[1] :

 

« Considérant que le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé ; (…) ».

 

La compétence de la juridiction administrative était alors uniquement écartée lorsque les constructeurs étaient unis par une convention de droit privé.

 

Or dans la décision présentement commentée, l’existence d’une convention de droit privé ne fait plus obstacle à la compétence du juge administratif, hormis le cas où celle-ci soulèverait une difficulté sérieuse quant à sa validité ou son interprétation, auquel cas le litige relèverait alors de la compétence du juge judiciaire.

 

Il est à rappeler toutefois que la compétence du juge administratif, acquise désormais même en présence d’une convention de droit privé, ne vaut cependant que dans le cadre d’appels en garantie impliquant un litige principal avec le maître d’ouvrage public.

 

Aussi, continuent de relever de la compétence du juge judiciaire, les actions indemnitaires engagées par les constructeurs entre eux, en-dehors de tout engagement de la responsabilité du maître d’ouvrage, ce qui pourrait désormais très bien se concevoir avec la limitation drastique dernièrement observée d’une mise en jeu de la responsabilité du maître d’ouvrage, au regard des fautes commises par les intervenants à l’opération de travaux publics[2].

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats


[1] Tribunal des conflits, 24 juillet 1997, Société De Castro c/ Bourcy et Sole, n° 03060, p. 540

[2]Conseil d’Etat, SSR., 5 juin 2013, Région de Haute-Normandie, n° 352917, mentionné aux tables.

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