Commission d’agence

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

Source : Cass. 1ère Civ., 16 mars 2022, n°20-17.028

C’est ce que précise la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans cette décision, inédite, comme suit :

« …

Faits et procédure

 

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2020), le 24 juillet 2007, la société Ab Immo (l’agent immobilier), exerçant sous l’enseigne Agence Appere, s’est vu confier deux mandats de vente portant sur diverses parcelles de terrain. Les mandats prévoyaient chacun, d’une part, que la vente était consentie et acceptée moyennant le prix de 80 euros le m² net vendeur, d’autre part, qu’une commission, fixée à 6 % hors taxe du prix net vendeur qui serait réellement perçu par le vendeur, serait payée à l’agent immobilier. Le même jour, deux promesses de vente ont été reçues par M. [Z] (le notaire), associé de la SCP [Z]-[M]-[Z] (la SCP notariale), au prix net vendeur de 80 euros le m².

 

2. Le 6 août 2007, le notaire a notifié deux déclarations d’intention d’aliéner à la communauté urbaine Brest Métropole (la communauté urbaine), qui, le 5 octobre 2007, a exercé son droit de préemption sur la totalité des parcelles. Par actes des 8 novembre 2010 et 18 janvier 2011, les ventes ont été régularisées au profit de la communauté urbaine, moyennant un prix fixé judiciairement, selon les terrains, de 11,53 ou 14,99 euros le m², l’agent immobilier percevant une commission d’un montant total de 126 716,35 euros TTC.

 

3. Soutenant que sa rémunération de 6 % aurait dû être calculée sur la base d’un prix fixe de 80 euros le m², soit à hauteur d’une somme de 789 175 euros TTC, l’agent immobilier a assigné la communauté urbaine en paiement du complément. Un arrêt du 2 février 2017, devenu irrévocable, a rejeté sa demande.

 

4. L’agent immobilier a alors assigné le notaire et la SCP notariale en responsabilité et indemnisation, et sollicité à titre de complément de la commission perçue le paiement d’une somme de 662 459 euros.

 

Examen des moyens

 

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

 

Enoncé du moyen

 

5. Le notaire et la SCP notariale font grief à l’arrêt de les condamner in solidum à verser à l’agent immobilier la somme de 528 547,50 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que l’agent immobilier ne peut demander, ni recevoir directement ou indirectement, d’autre rémunération que celle fixée dans le mandat ; qu’en jugeant, dans ces conditions, que la SCP [Z] avait commis une faute en ne fixant pas, dans les compromis de vente du 24 juillet 2007, la rémunération de l’agent immobilier à un montant de 6 % sur une base intangible de 80 €/m² quand il résultait de ses propres constatations que les mandats d’acheter et vendre, qui fixaient les limites de sa rémunération, visaient une commission de 6 % du prix « qui sera[ait] réellement perçu par le vendeur » , la cour d’appel a violé les articles 6 de la loi du 2 janvier 1070 et 73 du décret du 20 juillet 1972. »

 

Réponse de la Cour

 

Recevabilité du moyen

 

6. L’agent immobilier conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est contraire aux conclusions d’appel du notaire et de la SCP notariale qui soutenaient que l’agent immobilier ne pouvait prétendre qu’à la rémunération prévue par les promesses et non à celle fixée dans les mandats.

 

7. Cependant, dans leurs écritures, le notaire et la SCP notariale avaient soutenu que la rémunération de l’agent immobilier correspondait à celle fixée dans les mandats de vente.

 

8. Le moyen est donc recevable.

 

Bien-fondé du moyen

 

Vu les articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 :

 

9. Selon ces textes, seul le mandat de vente à lui confié pouvant justifier légalement sa rémunération, l’agent immobilier ne peut demander ou recevoir, directement ou indirectement, aucune autre somme, à titre de rémunération, de commission ou de réparation, que celle dont les conditions sont déterminées par le mandat.

 

10. Pour condamner in solidum le notaire et la SCP notariale à payer à l’agent immobilier la somme de 528 547,50 euros à titre de complément de la commission perçue, l’arrêt retient que l’accord des parties était de vendre et d’acquérir au prix de 80 euros le m² et que la commission de l’agent immobilier conventionnellement prévue était de 6 % sur la base de 80 euros, que, dans l’éventualité d’une préemption, le notaire devait prendre toute précaution pour que, dans l’hypothèse d’une baisse de prix, l’agent immobilier ne soit pas privé d’une partie de la commission et qu’en ne reprenant pas dans les compromis de vente la clause de rémunération de l’intermédiaire, le notaire avait empêché qu’à l’issue de la substitution du préempteur à l’acquéreur, l’agent immobilier reçoive la totalité de la rémunération prévue.

 

11. En statuant ainsi, alors que les mandats prévoyaient seulement une commission de 6 % du prix qui serait réellement perçu par le vendeur sans en préciser le montant, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

Portée et conséquences de la cassation

 

12. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, celle de la disposition de l’arrêt condamnant in solidum le notaire et la SCP notariale à payer à l’agent immobilier la somme de 528 547,50 euros et rejetant le surplus de ses demandes.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu à statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;… »

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