SOURCE : Cass.2ème civ., 6 février 2020, n°18-24.535
C’est que rappelle la Seconde Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans cette décision inédite comme suit :
« ….
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 3 juillet 2018) et les productions, que la société … (la société Cottrell) a souscrit le 16 mars 2004 une police d’assurance « multirisques industrielle » auprès de la société GFA Caraïbes, coassureur avec la société Gan Outre-Mer IARD (la société Gan) ; que le risque était réparti à proportion de 60 % à la charge de la société GFA Caraïbes, désignée comme apéritrice, et de 40 % à la charge de la société Gan ; que la société Cottrell a effectué le 13 mars 2009 une déclaration de sinistre auprès de la société GFA Caraïbes en raison de pertes d’exploitation liées aux différents mouvements sociaux ayant affecté la Martinique en février et mars 2009 ; que la société GFA Caraïbes ayant opposé un refus de garantie, la société Cottrell l’a assignée le 24 novembre 2010 en exécution du contrat et obtenu sa condamnation, par jugement du 6 mars 2012, à lui payer la somme de 763 169,40 euros correspondant à 60 % de l’indemnité d’assurance ; que la société Cottrell a assigné le 14 octobre 2015 la société Gan en paiement de la somme de 508 769,60 euros représentant les 40 % restant ;
Attendu que la société … fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable son action contre la société Gan, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’en relevant, pour dire qu’il n’était stipulé aucun mandat général de représentation active ou passive de tous les assureurs par la seule Compagnie apéritrice que, selon le titre 10 du contrat d’assurance, les déclarations de sinistre devaient être déclarées à la seule Compagnie apéritrice et sont opposables à tous les coassureurs, cependant que le contrat précisait également que « dans les rapports avec l’assuré, la compagnie apéritrice seule interviendra, sauf s’il est institué une commission de règlement », ce dont il s’inférait que le mandat incluait la représentation des coassureurs dans le cadre d’une action judiciaire, la d’appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis du titre 10 du contrat d’assurance, en violation de l’obligation qui lui est faite de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;
2°/ qu’en déclarant prescrite l’action de la société Cottrell à l’égard de la compagnie Gan, motifs pris qu’il n’était stipulé aucun mandat général de représentation active ou passive de tous les assureurs au profit de la compagnie apéritrice, la compagnie GFA Caraïbes, de sorte de l’interruption de la prescription n’avait pas pu jouer à l’égard de la compagnie Gan, coassureur, après avoir pourtant constaté que la compagnie GFA Caraïbes, en qualité de société apéritrice, était mandatée pour recueillir seule les déclarations de sinistre, lesquelles sont opposables à tous les coassureurs, ce dont il s’inférait qu’elle était bien mandatée pour défendre à l’action de l’assuré contre tous les coassureurs et que le délai de prescription était interrompu à l’égard de chacun d’eux, peu important qu’aucune solidarité n’ait été stipulée entre les coassureurs et que le règlement des indemnités d’assurances ait été par ailleurs expressément réparti entre les coassureurs, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l’article 114-1 du code des assurances ;
3°/ que le délai de prescription est suspendu lorsque celui contre qui il court se trouve dans l’impossibilité d’agir ; qu’en considérant que la société Cottrell disposait de tous les éléments nécessaires pour agir à la fois contre la société apéritrice, la compagnie GFA Caraïbes, et la compagnie Gan, coassureur, dès le refus de prise en charge de la société apéritrice et, en tout cas, au moment où cette dernière lui a opposé le moyen selon lequel elle ne pouvait être poursuivie pour l’entier sinistre, cependant que la société Cottrell, qui pouvait légitimement penser ne devoir s’adresser qu’à la seule société apéritrice, comme il était stipulé dans le contrat d’assurance, n’a su qu’elle devait attraire la compagnie Gan pour obtenir le paiement du reliquat de 40 % de l’indemnité d’assurance que lorsque le jugement du 3 mars 2012 est devenu définitif, de sorte de le délai de prescription n’a recommencé à courir qu’à cette date, la cour d’appel a violé l’article L. 114-1 du code des assurances ;
Mais attendu, d’abord, qu’en énonçant qu’il ne résulte pas des termes du contrat un mandat général de représentation de tous les assureurs par la seule société apéritrice, la cour d’appel n’a pas dénaturé par omission les stipulations du titre 10 de la police d’assurance qui prévoient qu’ « en cas d’expertise et dans les rapports avec l’assuré, la compagnie apéritrice seule interviendra, sauf s’il est constitué une commission de règlement » ;
Attendu, ensuite, que le mandat conféré à la société apéritrice de recueillir les déclarations de sinistre n’impliquant pas l’existence d’un pouvoir de représentation en justice, la cour d’appel, qui a relevé par ailleurs que toute solidarité était exclue, en a exactement déduit que l’interruption de la prescription à l’encontre de la société GFA Caraïbes par l’assignation du 24 novembre 2010 était sans effet sur la prescription ayant couru au profit de la société Gan ;
Attendu, enfin, qu’ayant relevé que la société … connaissait les différents coassureurs et le montant respectif de leur garantie, la cour d’appel a pu en déduire qu’elle disposait de tous les éléments nécessaires pour agir à la fois contre la société GFA Caraïbes et contre la société Gan dès le refus de prise en charge qui lui avait été notifié ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société … aux dépens ;… »