Bail d’habitation et loi applicable au congé délivré

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

Source : Cass.3ème Civ., 9 février 2022, n°21-10.388

C’est ce que précise la Troisième chambre civile de la Cour de cassation dans cette décision, publiée au bulletin, comme suit :

« …

Faits et procédure

 

1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 21 janvier 2020), le 22 avril 2015, M. [M] (le bailleur), propriétaire d’une maison donnée à bail d’habitation à Mme [C] (la locataire) depuis 2003, lui a délivré un congé aux fins de reprise au bénéfice de son fils.

 

2. La locataire a assigné le bailleur aux fins de voir déclarer ce congé non valide et constater la poursuite du bail.

 

Examen des moyens

 

Sur le premier moyen

 

Enoncé du moyen

 

3. La locataire fait grief à l’arrêt de valider le congé, de la déclarer déchue de tout droit d’occupation à compter du 22 octobre 2015, de constater la résiliation du bail à cette date et d’ordonner son expulsion, alors « que pour rejeter les écritures déposées pour Madame [W] [C] le 15 novembre 2019, la cour d’appel, après avoir observé, à la lecture comparée des conclusions de l’appelante aux dates respectives des 4 avril 2018 et 15 novembre 2019, que le dispositif des écritures était identique de même que les pièces, a retenu que « dans une procédure d’appel ouverte depuis le 5 janvier 2018, alors que les parties ont échangé leurs premières écritures d’appel respectivement le 4 avril 2018 pour l’appelante et le 26 juin 2018 pour l’intimé, le dépôt de nouvelles écritures par l’appelante le vendredi 15 novembre 2019 à 21 h 10 soit la veille au soir d’un week-end, trois jour avant la date de clôture de la procédure avec des développements supplémentaires ne répond pas à l’exigence de la loyauté des débats dans l’exercice du principe fondamental en procédure civile du contradictoire » ; qu’en statuant de la sorte, sans rechercher si les conclusions déposées par Madame [W] [C] le 15 novembre 2019 soulevaient des prétentions ou des moyens nouveaux appelant une réponse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

4. Sous le couvert d’un grief non fondé de manque de base légale, le moyen dénonce, en réalité, une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l’article 463 du code de procédure civile.

 

5. Le moyen est donc irrecevable.

 

Mais sur le second moyen

 

Enoncé du moyen

 

6. La locataire fait le même grief à l’arrêt, alors « que la loi nouvelle régissant les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, l’article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, est applicable à un congé délivré le 22 avril 2015 même si le bail est antérieur à l’entrée en vigueur de cette loi ; que ce texte, dans cette rédaction, prévoit qu’en cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du congé et qu’il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes ; qu’en considérant pourtant, pour déclarer valide le congé notifié à Madame [W] [C] le 22 avril 2015, que c’était à juste titre que le juge d’instance a rappelé que la loi du 24 mars 2014 ne s’applique pas aux baux en cours, tel que le bail litigieux du 23 octobre 2013, que si la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 modifiant sur certains points la loi du 24 mars 2014 a décidé que l’article 15 serait dorénavant applicable aux baux en cours, c’était sous réserve que les nouvelles dispositions de cette loi soient entrées en vigueur au moment de la délivrance du congé, ce qui n’était pas le cas en l’espèce et que par conséquent c’était à bon droit que le premier juge n’avait pas procédé à un contrôle a priori du caractère réel et sérieux du congé, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, immédiatement applicable, ensemble l’article 2 du code civil. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu les articles 2 du code civil et 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 2 mars 2014 :

 

7. Il résulte du premier de ces textes que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées.

 

8. Selon le second, lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. En cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif de congé. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

 

9. Pour déclarer le congé valable, l’arrêt retient que, si la loi du 24 mars 2014 a reconnu au juge le pouvoir de contrôler a priori la réalité et le sérieux du motif de congé invoqué, elle n’est pas applicable aux baux en cours à la date de son entrée en vigueur.

 

10. En statuant ainsi, alors que l’article 15, I, de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, est applicable à la contestation du congé délivré après l’entrée en vigueur de cette loi, même si le bail a été conclu antérieurement à celle-ci, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il valide le congé, déclare la locataire déchue de tout droit d’occupation à compter du 22 octobre 2015, constate la résiliation du bail à cette date et ordonne son expulsion, l’arrêt rendu le 21 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ;… »

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