Bail commercial, sous-location : Un contrat de prestations de service n’est pas un bail !

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

La qualification de sous-location, au sens de l’article L. 145-31 du Code de commerce, est exclue lorsque le locataire met à disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de service spécifiques recherchées par les clients.

SOURCE : Cass. civ 3ème, 27 juin 2024, n°22-22823 et n°22-24046, FS – B

A la base du contentieux soumis à la censure de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, un contrat de bail est conclu avec une société, qui elle-même conclut avec des tiers des contrats intitulés « prestations de services et mises à dispositions de bureaux ».

Alléguant des sous-locations irrégulières, la société bailleresse assigne la société locataire en réajustement du loyer principal.

La société locataire fait grief à l’arrêt de retenir la qualification de contrats de sous-locations, aux contrats litigieux, et d’accueillir en conséquence la demande en réajustement du loyer de la société bailleresse.

La Cour d’appel avait en effet relevé, que la prestation essentiel des contrats litigieux était la mise à disposition de bureaux et non la fourniture de prestations comme l’entretien, l’accueil et la sécurité, l’assurance et la wifi, lesquelles n’étaient que des prestations accessoires à la fourniture de bureaux.

Réponse de la Cour de cassation : Censure de l’arrêt motivée comme suit :

« Vu les articles 1709 du Code civil et L.145-31, alinéa 3, du Code de commerce :

7. Aux termes du premier de ces textes, le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer.


8. Aux termes du second, lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d’exiger une augmentation du loyer de la location principale, dont le montant, à défaut d’accord entre les parties, est déterminé selon une procédure fixée par décret en Conseil d’Etat, en application des dispositions de l’article L.145-56 du Code de commerce.


9. La qualification de sous-location, au sens de l’article L. 145-31 du code de commerce, est exclue lorsque le locataire met à disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de service spécifiques recherchées par les clients.


10. Pour retenir la qualification de sous-location et faire droit à la demande de réajustement de loyers, l’arrêt relève que les contrats de mise à disposition d’un bureau aux entreprises mentionnent précisément le numéro de bureau ainsi que sa surface, qu’ils prévoient une contrepartie financière fixée notamment en fonction de la superficie du bureau et pas seulement par la prestation de services, que les entreprises ont un accès permanent à leur bureau, qu’elles s’engagent à le maintenir dans un bon état d’entretien et en assurent la fermeture et que la durée des contrats est fixée à un mois mais renouvelable par tacite reconduction.


11. Il en déduit que la prestation essentielle du contrat est la mise à disposition de bureaux à des tiers, de manière exclusive et sans limitation dans le temps, dès lors que les prestations fournies comme l’entretien, l’accueil, la sécurité, l’assurance et la wifi ne sont qu’accessoires à la fourniture de bureaux équipés.


12. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la redevance fixée globalement rémunérait indissociablement tant la mise à disposition de bureaux équipés que les prestations de service spécifiques recherchées par les clients, la cour d’appel, par des motifs impropres à caractériser des contrats de sous-location au sens de l’article L. 145-31 du code de commerce, a violé les textes susvisés ».

La solution n’est pas nouvelle. En effet, la Cour de cassation avait déjà jugé dans un arrêt de 2002[1], que :

« (…) Les limitations à la jouissance des lieux dans le temps, les nombreuses prestations relatives à l’équipement et à l’entretien des locaux assurées par le prétendu bailleur, ainsi que le contrôle de l’accueil et de la sécurité conservés par ce dernier démontrent que le contrat ne peut s’analyser en une sous-location » ( titrages et résumés)


[1] Cass. civ 3ème, 13 février 2002, n°00-17994, FS – PB

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