Action en revendication contre une marque déposée par une collectivité territoriale

Diane PICANDET
Diane PICANDET - Avocat

 

 

Source : CA Paris, pôle 5 1ère ch., 19 février 2014 RG 2012/23576

 

Nous l’avions déjà indiqué, la victime d’un dépôt frauduleux de marque a le choix entre trois actions : l’action en nullité sur la base d’un droit antérieur (indisponibilité du signe), l’action en annulation en application de l’adage « la fraude corrompt tout » ou l’action en revendication de propriété sur le fondement de l’article L.712-6 du Code de la propriété intellectuelle.

 

L’action en revendication présente l’avantage pour une victime de se subroger dans les droits du déposant et de bénéficier de l’antériorité du dépôt. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

 

Le succès de cette action est conditionné la preuve d’une connaissance par le fraudeur des droits fraudés (connaissance manifeste ou fait de ne pouvoir méconnaître le signe notamment en raison de sa notoriété) et d’une intention de nuire (soit de profiter des efforts d’autrui soit de porter préjudice à ses projets).

 

Une jurisprudence disparate ne permet cependant pas de dire s’il s’agit de conditions cumulatives, certaines décisions considérant que l’intention de nuire s’infère de la connaissance des droits antérieurs. 

 

En l’espèce, une association chargée de la gestion et l’administration d’ateliers d’artistes à Paris, qui occupait des locaux propriété de la ville de Paris, a assigné cette dernière aux fins de se faire transférer la marque « La forge de Belleville » qu’elle estimait avoir été déposée par la collectivité en fraude de ses droits.

 

L’association, constituée en 1997 sous la dénomination « La forge de Belleville » avait signé avec la ville de Paris une convention d’occupation précaire pour la mise à disposition de locaux notamment d’une halle industrielle « La Forge » pour abriter ses activités.

 

En 2005, alors que la collectivité était en litige avec l’association concernant ce local, la ville de Paris avait déposé la marque « La Forge de Belleville » pour désigner notamment des services de divertissements, d’organisation, d’exposition et d’activités culturelles et de loisirs.

 

La ville de Paris faisait valoir une antériorité d’usage au motif que le site était connu sous le terme « La Forge ».

 

Après un renvoi sur cassation, la Cour d’Appel de Paris juge que le dépôt est frauduleux.

 

A la date de la demande, la Ville de Paris ne pouvait ignorer l’existence de la dénomination antérieure de l’association et l’obstacle en conséquence que constituait  le dépôt du nom de l’association à titre de marque pour désigner des activités identiques.

 

La collectivité ne justifiait par ailleurs pas d’un droit antérieur d’usage sur la dénomination « la Forge de Belleville » puisque la dénomination « La Forge » n’apparaîtra sur les PV de délibération du Conseil qu’en 1993 ; de plus, la première utilisation de la dénomination complète « La Forge de Belleville » sera faite par l’association aux droits de laquelle viendra l’association La Forge de Belleville.

 

L’action en revendication est fondée.

 

Diane PICANDET

Vivaldi-Avocats

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