Caractérisation de l’élément intentionnel du travail dissimulé par la persistance de l’employeur à appliquer un système de décompte dont il sait qu’il aboutit à des résultats erronés.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 05 juin 2019, n° 17-23.228 (FS-P+B).

 

Une salariée avait été recrutée par une société en qualité de distributrice de journaux et de prospectus selon contrat à durée indéterminée à temps partiel modulé du 18 septembre 2007.

 

Le 14 avril 2014, la salariée a saisi le Conseil des Prud’hommes sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, ainsi que la condamnation de ce dernier au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires, congés payés et autres indemnités, notamment au titre du travail dissimulé.

 

Si les premiers Juges vont recevoir partiellement les demandes de la salariée, sans toutefois prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, la Cour d’Appel de GRENOBLE, dans un Arrêt du 15 juin 2017, va prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison des manquements de l’employeur, à savoir la minoration des heures de travail, l’exigence de stocker les prospectus au domicile de la salariée sans contrepartie, l’utilisation de son véhicule personnel et l’absence de fourniture de matériel spécialisé pour le transport de colis lourds. Par suite, elle condamne l’employeur au paiement de diverses sommes indemnitaires et notamment d’une indemnité pour travail dissimulé.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’Arrêt d’appel de l’avoir condamné à verser à la salariée une somme au titre du travail dissimulé alors qu’il n’avait fait qu’appliquer le système de quantification préalable du temps de travail prévu par la convention collective applicable, de sorte qu’il pouvait se croire légitimement autorisé à appliquer ce système de décompte du temps de travail.

 

Il prétend également que le délit de travail dissimulé étant une infraction intentionnelle, le délit ne pouvait se déduire de la persistance qu’aurait eu l’employeur à refuser à la salariée le droit de mentionner sur ses feuilles de route le nombre d’heures de travail effectivement réalisé sans préciser à quelle date auraient eu lieu les refus de l’employeur.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.

 

Enonçant que la dissimulation d’emploi salarié, prévue par l’article L.8221-5 du Code du Travail, si elle ne peut se déduire de la seule application du dispositif de quantification préalable prévue par la convention collective nationale de la distribution directe du 09 février 2004, est caractérisée dès lors qu’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué, et relevant que l’employeur était informé de ce que les horaires de travail de la salariée étaient supérieurs au temps préquantifié et avait interdit à celle-ci de mentionner sur ses feuilles de route les heures qu’elle avait réellement accomplies, la Cour d’Appel a pu en déduire que la persistance de l’employeur à décompter le temps de travail en se fondant exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies par le distributeur, caractérisait l’élément intentionnel du travail dissimulé.

 

 

Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.

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