La fraude au président subie par une société française sur ses comptes ouverts en France répond bien des juridictions nationales.
Source : Cass.Civ.1., 15 juin 2022, n° 21-10742, n°482 B
Une société est victime de ce que l’on appelle désormais la fraude au président dans laquelle plusieurs virements sont émis de son compte bancaire français vers un compte ouvert au Portugal.
La société cherchera à obtenir la responsabilité des établissements bancaires au regard d’un manquement à leurs obligations professionnelles.
Contre toute attente, la Cour d’appel se déclarera incompétente au profit de la juridiction portugaise. Elle précise en effet que les fonds ayant été appréhendés sur le territoire portugais, la juridiction française n’a pas compétence pour statuer.
La Cour de cassation censurera la Cour d’appel et fera un rappel des dispositions applicables à travers son arrêt que l’on reproduira ci-dessous :
« 6. Selon la Cour de justice de l’union européenne (CJUE, 28 janv. 2015, aff. C-375/13), les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d’une telle action, notamment lorsque ledit dommage se réalise directement sur un compte bancaire de ce demandeur auprès d’une banque établie dans le ressort de ces juridictions. Toutefois, ce critère ne saurait être, à lui seul, qualifié de « point de rattachement pertinent ». C’est uniquement dans la situation où les autres circonstances particulières de l’affaire concourent également à attribuer la compétence à la juridiction du lieu de matérialisation d’un préjudice purement financier qu’un tel préjudice pourrait, d’une manière justifiée, permettre au demandeur d’introduire l’action devant cette juridiction (CJUE, 16 juin 2016, aff. C-12/15 ; CJUE, 12 septembre 2018, aff. C-304/17). »
Ces dispositions rappelées, la Cour estime alors que :
« 7. Pour déclarer les juridictions françaises incompétentes à l’égard de l’action dirigée contre la société Banco comercial portugues, l’arrêt retient que le lieu où le dommage est survenu n’est pas celui à partir duquel les virements ont été opérés par la société Immobilière 3F, c’est-à-dire depuis son siège social situé à [Localité 3] sur son compte bancaire ouvert dans une agence parisienne de la Société générale, mais celui où a eu lieu l’appropriation indue des fonds par le débit du compte destinataire du virement, ouvert et géré au Portugal.
8. En se déterminant ainsi, alors que le préjudice purement financier s’était réalisé directement sur un compte bancaire de la société Immobilière 3F ouvert en France, à la suite d’un virement ordonné pour le paiement d’un cocontractant français dont il était allégué qu’un tiers avait usurpé la qualité, de sorte qu’il lui appartenait, pour exclure la compétence des juridictions françaises, de rechercher si les autres circonstances particulières de l’affaire ne concouraient pas à attribuer la compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »
Dès lors, la fraude qu’a subie la société française sur ses comptes ouverts en France répond bien des juridictions nationales.