Une assignation en contrefaçon sans description de la création invoquée ne vaut

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

  

SOURCE : Tribunal de grande instance de Paris, 3ème chambre, 2ème section, Ordonnance du Juge de la mise en état du 3 juillet 2015, Netcontrol / Apollo, Société d’exploitation des lignes touristiques et Société des Lignes Touristiques

 

L’article 56 du Code de procédure civile impose au demandeur de décrire dans son assignation l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.

 

Au terme de la présente décision, le Juge de la mise en état a entendu faire application de ce texte au cas particulier des assignations en contrefaçon de logiciels.

 

En l’espèce, la société Netcontrol, spécialisée dans la conception et la réalisation de systèmes informatiques, avait répondu à un appel d’offre de la société d’Exploitation des Lignes Touristiques (SELT) pour la mise en œuvre d’un système informatique de localisation en temps réel des lignes de bus et de la billetterie afférente.

 

Après avoir constaté que la société SLT, ayant le même dirigeant que la société SELT, utilisait une interface similaire à celle de son propre logiciel, par l’intermédiaire de la société concurrente Apollo, la société Netcontrol a assigné ces trois sociétés en contrefaçon de ses logiciels de billetterie et concurrence déloyale.

 

Avant même d’aborder le fond de l’affaire, les défenderesses ont demandé au Juge de la mise en état de prononcer la nullité de cette assignation, au vu de l’incertitude sur l’identité des œuvres concernées par l’action en contrefaçon.

 

Le Juge relève en effet qu’il est simplement marqué dans le dispositif de l’assignation qu’il soit dit et jugé « que la société Apollo se livre à des actes de contrefaçon de logiciels de billetterie », mais encore que la demanderesse évoque dans le corps de son acte introductif d’instance la contrefaçon de « l’ensemble de la technologie développée » par elle, de ses « logiciels », ou encore de développements d’applications « logicielles » ou à un « nouveau logiciel de billetterie globale », de sorte qu’il n’est pas permis de savoir quel est le logiciel exactement concerné par l’éventuelle atteinte, ni dans quelle version de développement.

 

Selon le Juge, la communication par la demanderesse, en pièce jointe de son assignation, d’une copie des dépôts auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes des logiciels considérés ne suffit pas à permettre aux défenderesses de connaitre clairement ce qui leurs est reproché et de déterminer les droits dont la société Netcontrol s’estime titulaire.

 

Pour régulariser son acte, il aurait fallu que la demanderesse décrive son logiciel en communiquant, par exemple, les codes sources.

 

Ainsi, sous le couvert de la protection des droits de la défense, les Juges se révèlent particulièrement sévères quant à la recevabilité de l’action des demandeurs en contrefaçon, lesquels doivent donc faire preuve d’une extrême prudence dans l’énoncé de leurs demandes, sous peine de nullité de leur assignation.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

 

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