Solidarité entre époux.

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

 

Source : CA Paris, 4ème ch. 14 janv. 2014, n°12/07844 – Juris Data n°2014-000508

 

En l’espèce, Madame R a, en sa qualité de caution, désintéressé le bailleur aux lieu et place du signataire du bail d’habitation, ce dernier étant marié au jour de la sa signature.

 

Celle-ci a donc légitimement exercé son recours subrogatoire contre le locataire cautionné et son épouse considérant que cette dernière était solidairement tenu du paiement de la dette locative au titre de la solidarité des époux aux dettes ménagères.

 

Le Tribunal d’instance a fait droit à cette demande en application du principe de solidarité légale des époux et ce même s’il était établit que ceux-ci étaient séparés de fait au jour de la signature du bail en sorte que les époux ont été condamné solidairement au remboursement de la caution.

 

L’épouse a interjeté appel du jugement.

 

Par cet arrêt du 14 janvier 2014, la Cour d’appel, sans remettre en cause le principe de la solidarité légale, rappelle toutefois que la solidarité entre époux n’est pas sans limite.

 

Il est en effet de principe que les époux sont tenus solidairement des dettes jusqu’au jouroù leur jugement de divorce est opposable au tiers et donc jusqu’au jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de l’état civil ont été accomplies en sorte que le Tribunal pouvait, théoriquement malgré la séparation de fait des époux, condamné ces derniers solidairement.

 

Cependant, la Cour rappelle qu’une seconde condition doit être remplie pour que la solidarité entre époux joue s’agissant du remboursement d’une dette de loyer, savoir que cette dette puisse être qualifiée de « dette ménagère » au sens des dispositions de l’article 220 du Code civil lequel dispose : « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement (…) ».

 

Or, en l’espèce, s’il n’était pas contesté que l’époux avait passé seul le contrat de bail, ce qui sur le principe ne faisait bien évidemment pas échec à la solidarité en application des dispositions précitées, il était également établit, à tout le moins devant la Cour, que l’époux avait passé seul ce contrat de bail, postérieurement à la séparation de fait du couple et surtout, postérieurement à l’attribution à l’épouse de l’ensemble des droits et obligations sur l’ancien domicile conjugal.

 

Le ménage n’ayant jamais résidé dans ce logement dont le bail avait était conclu par l’époux seul, pour son usage exclusif et personnel, la Cour a considéré que cette dette ne pouvait recevoir la qualification de « dette ménagère » en sorte que l’épouse ne pouvait être obligée solidairement à paiement et ce même avant la transcription du jugement de divorce en marge des actes d’état civil.


Si cette décision n’est pas contestable s’agissant de l’épouse, elle l’est en revanche davantage s’agissant de la caution et se distingue de la jurisprudence rendue en matière de cautionnement laquelle se veut très protectrice des intérêts de ceux qui prennent le risque de s’engager, les juridictions faisant une application particulièrement stricte des dispositions d’ordre public de l’article 22-1 in fine de la Loi du 6 juillet 1989 lequel dispose :

 

« La personne qui se porte caution fait précéder sa signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions de sa révision tels qu’ils figurent au contrat de location, de la mention manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte et de la reproduction manuscrite de l’alinéa précédent. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement ».

 

Dès lors qu’une juridiction constate que l’une de ces dispositions n’est pas strictement respectée, la nullité du cautionnement est prononcée.

 

Or, en l’espèce, la lecture de l’arrêt laisse à penser que la caution n’a en réalité pas eu « connaissance de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée » dès lors qu’elle croyait pouvoir exercer son recours contre les deux époux et non un seul ce qui n’est pas sans conséquence en terme de solvabilité et de recouvrement.

 

Aussi, l’histoire ne dit pas si l’époux en l’espèce est solvable, ce dont on peut douter au regard de l’existence d’une dette locative, mais il convient d’envisager l’hypothèse où, des deux époux, l’épouse était la seule et/ou la plus solvable, cette solvabilité ayant été l’élément déterminant de l’engagement de caution sans lequel elle n’aurait pas contractée.

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

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