Source : Com. 11 avr. 2018, F-P+B+I, n° 16-23.607
I – Les faits
Un emprunteur immobilier est défaillant. Il se voit délivrer, à la requête d’un créancier, un commandement de payer valant saisie immobilière. Le juge de l’exécution, par un jugement d’orientation, a constaté la régularité de la procédure, fixé le montant retenu pour la créance du poursuivant et autorisé ce débiteur à procéder à la vente amiable de l’immeuble saisi, fixé le montant en deçà duquel le bien ne pourrait être vendu et dit que la vente devrait intervenir avant une date déterminée.
Mais le débiteur est entre-temps mis en redressement judiciaire, avant que la vente de l’immeuble n’ait eu lieu. Le juge de l’exécution a donc constaté l’interruption de la procédure de saisie immobilière. Le redressement est finalement converti en liquidation judiciaire. Enfin, par une ordonnance rendue sur requête du liquidateur, le juge-commissaire a autorisé ce dernier à reprendre la procédure de saisie immobilière.
Le débiteur a interjeté appel de l’ordonnance, reprochant au juge-commissaire de ne pas avoir respecté la lettre de l’article L. 642-18 du Code de commerce, notamment en son alinéa 2 :
« Lorsqu’une procédure de saisie immobilière engagée avant l’ouverture (L. no 2005-845 du 26 juill. 2005, art. 112) «de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de» liquidation judiciaires a été suspendue par l’effet de cette dernière, le liquidateur peut être subrogé dans les droits du créancier saisissant pour les actes que celui-ci a effectués, lesquels sont réputés accomplis pour le compte du liquidateur qui procède à la vente des immeubles. La saisie immobilière peut alors reprendre son cours au stade où le jugement d’ouverture l’avait suspendue.»
Mais aussi les articles R. 642-24 et R. 642-36-1 du Code de commerce qui prévoient en substance que le juge-commissaire statue sur la vente après avoir recueilli les observations des contrôleurs et entendu ou dûment appelé le débiteur et son conjoint lorsque celui-ci se trouve dans l’une des situations prévues à l’article R. 641-30, ainsi que le liquidateur.
La Cour d’appel n’a pas suivi ce raisonnement, en estimant que le juge-commissaire n’a pas à prévoir ni la mise à prix, ni les modalités de la vente, aux motifs que la procédure de saisie immobilière reprend son cours au stade auquel le jugement d’ouverture l’a suspendue et que les dispositions invoquées par le débiteur ne reçoivent pas application lorsque la saisie a été engagée avant l’ouverture de la procédure collective. La Cour de cassation a été saisie de la question par le débiteur.
II – L’arrêt de cassation.
Cette position ne convainc pas la Cour de cassation, qui casse l’arrêt d’appel. Selon la Haute juridiction, lorsque le juge-commissaire autorise le liquidateur à reprendre la procédure de saisie immobilière suspendue par le jugement de liquidation judiciaire, il fixe, quel que soit le stade auquel la procédure de saisie immobilière a été arrêtée, la mise à prix, les modalités de la publicité et les modalités de visite du bien.
Il en résulte que, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, il incombait à la cour d’appel de compléter en ce sens l’ordonnance du juge-commissaire.
En l’espèce, le débiteur faisait valoir que l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la reprise de la saisie immobilière interrompue par sa liquidation judiciaire n’indiquait ni le montant de la mise à prix, ni les modalités de la vente, outre qu’il n’avait pas été entendu préalablement par le juge-commissaire. La Cour régulatrice remet la procédure dans le droit chemin, et neutralise ainsi le raccourci procédural auquel s’était livré le juge-commissaire. Au regard de la gravité de la procédure, qui dessaisit le débiteur d’un bien immobilier, c’est à bon escient.
Lorsqu’une procédure de saisie immobilière engagée avant l’ouverture (L. no 2005-845 du 26 juill. 2005, art. 112) «de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de» liquidation judiciaires a été suspendue par l’effet de cette dernière, le liquidateur peut être subrogé dans les droits du créancier saisissant pour les actes que celui-ci a effectués, lesquels sont réputés accomplis pour le compte du liquidateur qui procède à la vente des immeubles. La saisie immobilière peut alors reprendre son cours au stade où le jugement d’ouverture l’avait suspendue.
A l’inverse, la Cour de cassation est moins sévère envers l’acquéreur, qui peut invoquer la condition suspensive dont il a assorti son offre d’achat, peu important que l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente à son profit ne la mentionne pas expressément[1].
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Cass. com., 27 sept. 2016, no 14-22.372, P