Responsabilité du Notaire en cas d’annulation d’une vente immobilière et préjudice indemnisable

Amandine Roglin
Amandine Roglin

Le notaire fautif doit garantir le vendeur des condamnations présentant un caractère indemnitaire du fait de l’annulation de la vente d’un bien dont le changement de destination a été réalisé en infraction du Code de l’urbanisme et du PLU.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 octobre 2022, 20-22.911, Publié au bulletin

I –

Une SCI a vendu plusieurs lots de copropriété à des particuliers.

Antérieurement à la vente, ces lots ont fait l’objet d’un changement de destination.

Postérieurement à la vente, les nouveaux acquéreurs et le Notaire reçoivent un procès-verbal d’infraction : le changement de destination des lots aurait été réalisé en infraction au code de l’urbanisme et aux plan local d’urbanisme.

Les acquéreurs ont dès lors assigné la SCI et le Notaire en annulation de la vente et en indemnisation.

La SCI a quant à elle sollicité la garantie pleine et entière du Notaire des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre du fait de l’annulation de la vente.

II –

En appel, la Cour a annulé la vente et a condamné la SCI à verser aux acquéreurs des sommes au titre des travaux de mise en conformité, des charges de copropriété, du coût de l’assurance et des taxes foncières mais a débouté la SCI de sa demande de garantie formée contre le Notaire considérant que la SCI ne pouvait demander la garantie du Notaire pour des condamnations qui correspondent non à un préjudice indemnisable, mais à des restitutions.

La SCI a formé un pourvoi en cassation.

III –

La Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel en ces termes :

« Sur le moyen en ce qu’il vise les travaux de mise en conformité

La cour d’appel a relevé que les travaux réalisés par l’acquéreur au titre de la mise en conformité de l’électricité, de la réfection de la toiture, des parquets, des plafonds et de la peinture des murs étaient des dépenses nécessaires et utiles donnant lieu à restitution du vendeur.

Ces travaux devant s’analyser en des dépenses de conservation du bien, elle en a exactement déduit que cette restitution ne pouvait donner lieu à garantie du notaire, cette condamnation ne correspondant pas à un préjudice indemnisable.

Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le moyen en ce qu’il vise les charges de copropriété, le coût de l’assurance et les taxes foncières

Vu l’article 1382, devenu 1240, du code civil :

Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La cour d’appel a retenu que les condamnations prononcées au titre des charges de copropriété, du coût de l’assurance et des taxes foncières ne constituaient pas des préjudices indemnisables.

En statuant ainsi, alors que les condamnations prononcées au titre du remboursement des charges de copropriété, du coût de l’assurance et des taxes foncières acquittés par l’acquéreur, ne constituaient pas des restitutions consécutives à l’annulation du contrat de vente, mais présentaient un caractère indemnitaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

IV –

Le notaire est tenu de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes reçus par lui. Il est également tenu à un devoir de conseil.

Le Notaire peut donc commettre une faute dans l’exécution de sa mission.

En revanche, la faute du Notaire n’entraîne pas sa responsabilité en l’absence de préjudice indemnisable.

Le Notaire ne peut donc pas être condamné à restituer le prix de vente en cas d’annulation de la vente, par exemple, puisqu’il ne s’agit d’un préjudice indemnisable mais de la restitution consécutive à l’annulation de la vente (Cass. 3e civ. 14-12-2017 n° 16-24.170).

L’arrêt commenté s’inscrit dans la continuité de cette jurisprudence.

Il précise que sont des préjudices indemnisables tous les préjudices annexes qui ne constituent pas des restitutions du fait de l’annulation de la vente, ce que sont les charges de copropriété, le coût de l’assurance et les taxes foncières. En revanche, les travaux réalisés en vue de mettre le bien en conformité ne sont pas analysés comme des préjudices indemnisables mais comme des dépenses nécessaires et utiles de conservation du bien.

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