Source : Cass. com., 24 janvier 2018, n°16-19.866, F-P+B
I – L’espèce
La cliente d’un établissement bancaire a procédé au dépôt d’espèces via le dispositif automatique mis en place par ledit établissement. Il s’agissait concrètement du dépôt d’une enveloppe au guichet automatique de la banque, avec bordereau récapitulatif rempli par la cliente. L’automate délivrait enfin un ticket mentionnant pour mémoire la somme prétendument remise.
La somme n’a cependant jamais été créditée sur son compte. Dans les échanges précédant la procédure judiciaire, la banque avait reconnu par écrit avoir retrouvé le double du bordereau de remise d’espèces, mais pas l’enveloppe (l’automate avait été démonté par le prestataire).
La banque refusant de créditer la somme déposée, la cliente l’a assignée en responsabilité civile devant le juge de proximité, pour solliciter le paiement du montant du dépôt, outre des dommages et intérêts. Elle a obtenu gain de cause.
II – L’arrêt de rejet
La banque a formé un pourvoi en cassation, en arguant que :
– La charge de la preuve de la remise des fonds pesait sur la cliente ;
– La lettre par laquelle la banque avait reconnu avoir retrouvé un double du bordereau de remise ne valait pas commencement de preuve par écrit, et ce d’autant plus que cette même lettre indiquait qu’aucune trace de l’enveloppe contenant les fonds n’avait été retrouvée ;
– Une clause mentionnée sur le bordereau lui-même stipulait que la remise de fonds par le truchement d’un guichet automatique ne donnait lieu qu’à la délivrance d’un ticket mentionnant pour mémoire la somme prétendument remise, et que le client déposant ne pouvait établir la preuve du montant du dépôt par la simple production du ticket.
C’est principalement sur ce dernier argument que la Haute juridiction va articuler son rejet, en estimant que le juge de proximité a exactement retenu que, sauf à être abusive, une telle clause ne saurait priver le client de la possibilité de faire la preuve du dépôt par tout autre moyen. C’était en outre dans l’exercice de son pouvoir souverain d’apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve produits.
Autrement dit, la clause est abusive, et partant inopposable au client.
Les banques subiront-elles pour autant une sanction automatique en pareille situation ? Nous ne le pensons pas car, en l’espèce, des éléments extérieurs avaient fini de convaincre le juge de proximité, et notamment la preuve apportée par la cliente d’un virement et retrait d’espèce concomitants auprès d’un autre établissement bancaire.
La solution fait finalement application de la recommandation de la Commission des clauses abusives[1], qui rappelle que doit être supprimée la clause qui prévoit que le montant du dépôt à un guichet automatique sera fixé exclusivement par l’inventaire de la banque, sans laisser au client la possibilité de rapporter la preuve de la véracité des mentions du ticket de dépôt.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Recommandation Commission des clauses abusives, recommandation n°05-02, 14 avril 2005, relative aux conventions de compte de dépôt