Précisions sur la nature de l’office du juge administratif dans le contentieux relatif au droit à l’inscription sur les listes des demandeurs d’emploi

Eloïse LIENART
Eloïse LIENART

Le Conseil d’Etat juge que l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi relève du contentieux de pleine juridiction et non du contentieux de l’excès de pouvoir.

Source : Conseil d’Etat, 1er mars 2023, n° 455880

En droit et de manière schématique, lorsque le juge administratif se prononce dans le cadre d’un contentieux de l’excès de pouvoir, ses pouvoirs se limitent à l’annulation de l’acte illégal.

Au contraire, lorsque le juge administratif statue dans le cadre d’un contentieux relevant du plein contentieux, il dispose de pouvoirs plus étendus lui permettant notamment, en sus d’annuler la décision qui lui est soumise, de substituer sa décision à celle de l’administration.

C’est sur cette question de la nature de l’office du juge administratif dans le cadre du contentieux relatif au droit à l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi que le Conseil d’Etat s’est prononcé récemment.

En l’espèce, le directeur de l’agence Pôle emploi de Paris Brancion a, par une décision en date du 30 septembre 2019, refusé d’inscrire un individu titulaire d’un titre de séjour portant la mention « étudiant » sur la liste des demandeurs d’emploi au motif que ce titre ne figurait pas sur la liste limitative définie par le code du travail, des titres ouvrant droit à l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi.

Par un jugement du 21 juin 2021, contre lequel Pôle emploi se pourvoit en cassation, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a enjoint à Pôle emploi de procéder au réexamen de la demande d’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi.

Par son arrêt en date du 1er mars 2023, mentionné aux tables du Lebon, le Conseil d’Etat considère que :

« Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l’administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d’une personne en matière d’aide ou d’action sociale, de logement ou au titre des dispositions en faveur des travailleurs privés d’emploi, et sous réserve du contentieux du droit au logement opposable, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner les droits de l’intéressé, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l’article R. 772-8 du code de justice administrative. »

Au vu de ces éléments, il lui appartient d’annuler ou de réformer, s’il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l’intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l’administration afin qu’elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement.

Enfin, il précise que dans le cadre d’un contentieux portant sur le droit à l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi, qui relève des dispositions en faveur des travailleurs privés d’emploi, le juge doit statuer au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant au cours de la période en litige.

Dès lors, le Conseil d’Etat conclut que le Tribunal administratif a méconnu son office en se bornant à annuler pour excès de pouvoir la décision du directeur de l’agence Pôle emploi et à lui enjoindre de réexaminer la demande d’inscription de l’intéressée dans un délai de deux mois.

Il estime qu’il revenait au Tribunal de fixer lui-même les droits de l’intéressée pour la période en litige ou de la renvoyer devant Pôle emploi pour qu’il procède à cette fixation sur la base des motifs de son jugement.

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