Pas de recours possible contre un refus de permis de construire consécutif à un avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France sans une saisine préalable du Préfet de région

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

 

SOURCE :

Conseil d’Etat, 12 février 2014, req. n°359343. Mentionné dans les tables du recueil Lebon.

Conseil d’Etat, 19 février 2014, req. n°361769. Mentionné dans les tables du recueil Lebon.

 

Les deux décisions présentement commentées ont été l’occasion pour le Conseil d’Etat de mettre l’accent sur les exigences contentieuses requises dans le cadre d’une contestation d’un refus de permis pris après un avis non conforme de l’ABF.

 

Rappelons que la délivrance d’une autorisation d’urbanisme est subordonnée à l’avis conforme préalable de l’ABF, lorsque ce dernier est requis.

 

Tel est le cas lorsque la demande d’autorisation porte sur un immeuble adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques (L. 621-31 du code du patrimoine).

 

Si l’ABF émet un avis non conforme, l’autorité compétente sera donc tenue de refuser l’autorisation sollicitée, alors même que l’inverse serait moins vrai.

 

En effet, dans le cas d’un avis conforme de l’ABF, l’Administration serait parfaitement en mesure de refuser d’accorder l’autorisation, notamment lorsqu’elle estime que le permis ne respecte pas les prescriptions applicables à la zone concernée (CE, 11 mars 2009, req. n°307656).

 

Dans son arrêt du 12 février 2014, et en cas de refus de permis consécutif à un avis négatif de l’ABF, le Conseil d’Etat vient rappeler[1] l’existence d’un recours administratif préalable obligatoire.

 

Ce dernier se traduit par la nécessité pour le pétitionnaire de saisir le préfet de région d’une contestation de l’avis de l’ABF avant l’introduction de tout recours contentieux, et ce, dans les deux mois suivant la notification qui lui est faite du refus du permis.

 

Le préfet ainsi saisi, son avis se substitue alors à celui de l’ABF.

 

Dans l’hypothèse où l’avis de l’ABF, de même que les délais et voies de recours, n’auraient pas été cependant notifiés au pétitionnaire, le délai de deux mois imparti au pétitionnaire aux fins de saisine du préfet, n’aura pas commencé à courir[2].

 

Pour autant, l’absence d’une telle notification demeure sans incidence sur l’irrecevabilité qui serait tirée du défaut de saisine préalable du préfet[3].

 

L’irrecevabilité tirée du défaut de saisine préalable du préfet subsiste alors même que les moyens soutenus à l’appui du recours en annulation du refus de permis ne seraient aucunement liés à d’éventuelles illégalités de l’avis de l’ABF.

 

A noter que la seule dispense pour le pétitionnaire de former lui-même un recours préalable obligatoire réside dans la circonstance que l’autorité compétente pour délivrer le permis ait, préalablement de son côté, saisi le préfet de région, ainsi qu’elle y est autorisée en vertu de l’article R. 424-14.

 

Dans son arrêt du 19 février 2014, le Conseil d’Etat met l’accent sur la nature d’ « acte préparatoire » de l’avis de l’ABF.

 

En effet, le Conseil d’Etat précise que l’ouverture d’un recours administratif préalable obligatoire à l’encontre de l’avis de l’ABF n’a pas pour objet, ni pour effet de permettre l’exercice d’un recours contentieux direct à l’encontre de ce dernier.

 

Aussi, l’avis de l’ABF ne peut être considéré comme un acte faisant grief, susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux direct, mais comme relevant uniquement de la catégorie des actes préparatoires, bien connue en matière administrative contentieuse, et dont l’illégalité ne peut qu’être soulevée indirectement à l’occasion de la contestation de la décision qu’ils préparent.

 

En d’autres termes, si la légalité de l’avis de l’ABF semble contestable, il conviendra d’en tirer profit lors d’un recours dirigé uniquement à l’encontre du refus de permis pris consécutivement à l’avis litigieux.

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats


[1] CE, 30 juin 2010, SARL Château d’Epinay, req. n°334747

[2] Ibid.

[3] CAA Marseille, 30 juillet 2013, req. n°11MA01335

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