Modification de la répartition des charges communes générales – article 10-2 de la loi du 10 juillet 1695.

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

Source : Cass. 3ème civ., 4 nov. 2014 – n°13-22.243 : JurisData : 2014-026782.

 

En l’espèce, un copropriétaire a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la décision d’assemblée générale ayant rejeté sa demande en « annulation des tantièmes de copropriété afférents à ses lots en tant qu’ils sont utilisés comme tantièmes de charges et au retranchement des tantièmes annulés avec mention au règlement de copropriété».

 

La Cour d’appel constatant que sa demande, telle que formulée, consistait en une modification de la répartition des quotes-parts de parties communes a retenu que ce copropriétaire, qui entendait obtenir une modification de la répartition des charges communes générales visées à l’alinéa 2 de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, ne devait pas fonder son action sur une demande de modification des tantièmes de copropriété dans la mesure où la répartition des charges peut être modifiée pour respecter les critères de l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965 indépendamment de la répartition, libre et intangible, des quotes-parts de parties communes attribuées à chaque lot, qui peut être différente de celle des charges et demeure licite même si elle est faite sur des bases non conformes aux critères de l’article 5.

 

Le copropriétaire s’est pourvu en cassation, recours à l’appui duquel il précise que :

 

En l’espèce, sauf en ce qui concerne l’ascenseur, les autres charges sont réparties, conformément à l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965, par référence à l’échelle des tantièmes de copropriété.

 

Consécutivement, pour atteindre l’objectif d’une modification de la répartition des charges (autres que celles afférentes à l’ascenseur), sa démarche passait nécessairement par une demande de modification de la répartition des tantièmes de copropriété.

 

La Cour de cassation, par cette décision particulièrement motivée, considère cependant que le demandeur :

 

« fait erreur sur ce point, en ce que la modification de la répartition des charges communes générales est possible alors que la répartition des quotes-parts de parties communes est quant à elle intangible passé le délai de 5 ans après l’entrée en vigueur du règlement de copropriété et que la modification de la répartition des charges peut intervenir dans le respect des dispositions de l’article 5, et est alors indépendante de la répartition des quotes-parts de parties communes attribuées à chaque lot de parties privatives ».

 

La Cour de cassation considère donc que c’est à bon droit que le premier juge a relevé que le copropriétaire « se réfère inutilement à la combinaison des articles 5 et 10 de la loi du 10 juillet 1965 qui ne concerne que la répartition des charges, alors que sa demande, telle que formulée concerne une modification de la répartition des quotes-parts de parties communes ».

 

En tant que de besoin, la Cour de cassation prend soin de rappeler que :

 

L’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 fixe les modalités de l’obligation de participation des copropriétaires de participer aux charges communes en ces termes : ” Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot. Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l’article 5. Le Règlement de Copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges ” ;

 

Les tantièmes de copropriété représentent la quote-part des parties communes afférentes à chaque lot, dont la répartition est libre et intangible, l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965 ne proposant qu’un mode de répartition facultatif, dont le caractère supplétif résulte d’un défaut d’accord auquel cas ces tantièmes sont calculés pour chaque lot en fonction de sa consistance, de sa superficie et de sa situation sans qu’il soit tenu compte de son utilisation.

 

Les tantièmes de propriété attribués à chaque lot déterminent le nombre de voix attribué à chaque copropriétaire ainsi que la quote-part de charges communes générales.

 

Les tantièmes de charges représentent la quote-part de charges de copropriété afférentes à chaque lot, et pour lesquels la répartition des charges s’effectue donc :

 

pour les charges entrainées par les services collectifs et les équipements communs, dites charges spéciales, en fonction de l’utilité de ces services et éléments à l’égard de chaque lot,

 

pour les charges relatives à la conservation, l’entretien et l’administration des parties communes, dites charges communes générales, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives des lots, telles qu’elles résultent des dispositions de l’article 5, et donc en l’espèce selon les tantièmes de copropriété.

 

Aussi, il résulte des dispositions des articles 11 et 12 de la loi du 10 juillet 1965 que, passé un délai de 5 ans après la publication du règlement de copropriété, la répartition des tantièmes de charges peut encore être modifiée à l’unanimité des copropriétaires et qu’il s’évince donc de ces dispositions que la répartition des tantièmes de copropriété-libre et intangible-peut parfaitement être différente de celle des charges, laquelle est encadrée par des dispositions légales impératives, tant pour sa fixation que pour son éventuelle modification ultérieure.

 

La Cour de cassation considère donc en conséquence que si l’intention du copropriétaire était d’obtenir une modification de la répartition des tantièmes de charges, il aurait dû le formuler lors de la rédaction de son courrier du 28 avril 2009 aux fins de mise à l’ordre du jour de l’assemblée générale de cette demande.

 

Les juges ayant cependant constaté que :

 

ce courrier portait non pas sur une demande de modification de la répartition des charges, mais sur une ” annulation des quotes-parts de parties communes » afférentes à ces lots, c’est-à-dire à la modification des tantièmes de copropriété,

 

étant précisé que le syndic est tenu de rédiger des propositions de résolutions fidèles aux termes des demandes qui lui sont adressées,

 

tant cette demande faite à l’assemblée générale des copropriétaires que l’action judiciaire subséquente étaient d’emblée vouées à l’échec au regard du caractère intangible de la répartition des tantièmes de copropriété.

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

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