Licenciement pour inaptitude: lorsque postérieurement à son avis d’inaptitude le médecin du travail précise l’impossibilité de reclassement dans l’entreprise, l’employeur ne peut être considéré comme défaillant dans la recherche d’un poste de reclassement

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 15 décembre 2015, Arrêt n° 1289 F-P+B (n° 14-11-858).

 

Une salariée avait été embauchée le 1er septembre 1983 en qualité d’employée, affectée au service du personnel d’une entreprise de production de matières plastiques.

 

Elle a ensuite été promue en 2004 au poste de responsable administratif du personnel.

 

A la suite d’une succession d’arrêts maladie du 18 mars au 30 juin 2011, le médecin du travail, lors de la visite de reprise du 21 juin 2011, l’a déclarée inapte à son poste et à tout poste entraînant des relations avec les membres du comité de direction et de la hiérarchie.

 

Cette inaptitude définitive était prononcée en une seule visite en raison des risques importants pour la santé de la salariée.

 

Ensuite de cet avis d’inaptitude, l’employeur toutefois va solliciter le médecin du travail concernant le reclassement de la salariée.

 

Le médecin va alors préciser, le 05 juillet 2011, qu’aucun poste ne pouvait convenir au sein de la société en raison de « l’inaptitude qui est relationnelle envers toute la hiérarchie au sein de l’entreprise ».

 

A la suite de cette précision apportée par le médecin du travail, l’employeur adressait le 15 juillet 2011 un courrier à la salariée, l’informant qu’une étude de poste avait été demandé au médecin du travail, lequel avait considéré que la nature de l’aptitude s’opposait à l’attribution d’un poste au sein de l’entreprise ; la salariée était également prévenue de l’imminence de l’engagement d’une procédure de licenciement.

 

C’est ainsi que la salariée était licenciée par un courrier du 08 septembre 2011.

 

La salariée va saisir la Juridiction Prud’homale de diverses demandes tendant à voir l’employeur condamné au paiement de diverses sommes, notamment pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, prétendant que la dégradation de son état de santé ayant entraîné une inaptitude à son poste, était, en réalité, liée au harcèlement moral exercé par son employeur.

 

Déboutée par les Premiers Juges, la salariée va porter cette affaire par-devant la Cour d’Appel de DIJON, laquelle, dans un Arrêt du 19 décembre 2013, va confirmer le débouté de la salariée, considérant que l’employeur qui avait sollicité le médecin du travail sur la question du reclassement, auquel le médecin du travail avait précisé qu’aucun poste ne pouvait convenir au sein de la société, ne pouvait être considéré comme n’ayant pas sérieusement cherché à reclasser la salariée dans les entreprises du groupe.

 

Ensuite de cette décision, la salariée forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, la salariée reproche à l’Arrêt d’Appel d’avoir dit son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans constater que l’employeur avait recherché des possibilités de reclassement au sein de deux établissements appartenant au groupe, par la mise en œuvre de mesures de mutation ou transformation de poste de travail au sein du groupe et sans rechercher si l’inaptitude relationnelle relevée par le médecin du travail excluait seulement un reclassement au sein de l’établissement français de la société ou au sein d’un établissement situé en Espagne, nonobstant le lien hiérarchique de celui-ci avec la direction des ressources humaines de la société française.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre la salariée dans son argumentation.

 

Relevant que, si l’avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise ou du groupe auquel elle appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l’aptitude par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement, concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir cette obligation, et relevant que la Cour d’Appel avait fait ressortir l’impossibilité de reclasser la salariée tant au sein de l’entreprise que du groupe, y compris par la mise en œuvre de mutation ou de transformation de poste et ce, notamment au regard des préconisations du médecin du travail interdisant de maintenir un lien avec certaines personnes, la Chambre Sociale rejette le pourvoi de la salariée.

 

On retiendra de cet Arrêt l’intérêt qu’il y a pour l’employeur à solliciter le médecin du travail sur les possibilités de reclassement, nonobstant un avis d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise, en particulier lorsque les précisions apportées par celui-ci corroborent l’impossibilité de reclassement dans l’entreprise, validant ainsi le licenciement prononcé.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

 

 

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