L’état de santé mentale d’un agent public peut-il l’exonérer de sa responsabilité disciplinaire ?

Eloïse LIENART
Eloïse LIENART

Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat confirme la révocation d’un fonctionnaire qui invoquait souffrir de troubles mentaux pour échapper à une sanction disciplinaire.

Source : CE, 17 février 2023, n° 450852

En l’espèce, un attaché territorial de la région Occitanie a fait l’objet d’une procédure disciplinaire à la suite de manquements disciplinaires commis entre avril et septembre 2016 dans le cadre des fonctions qu’il exerçait au sein de la maison de la région à Béziers.

De manière plus précise, celui-ci avait adressé à de très nombreuses reprises, tant à l’oral qu’à l’écrit, des propos extrêmement déplacés, agressifs et dégradants, dont plusieurs ayant un caractère sexuel et comportant des menaces physiques, à l’une de ses collègues de la maison de la région à Béziers, à l’une de ses supérieures hiérarchiques et à une élue de la région, lesquelles ont porté plainte pour harcèlement moral.

En outre, il était reproché à l’intéressé d’avoir adressé à sa collègue, alors même qu’il était dépourvu de tout pouvoir hiérarchique à son égard, un grand nombre de courriers électroniques contenant des ordres comminatoires et perturbant le bon fonctionnement du service.

A l’issue de la procédure disciplinaire, la présidente de la région Occitanie a prononcé la révocation de l’agent par un arrêté en date du 3 février 2017.

Cette décision a été annulée par la Cour administrative d’appel de Marseille qui a estimé que le discernement de l’intéressé était altéré durant les faits.

La région s’est pourvue en cassation.

Le Conseil d’Etat relève d’abord que pour prendre sa décision, la Cour administrative d’appel de Marseille s’est principalement fondée sur un certificat médical qui n’a pas été soumis à la région Occitanie, méconnaissant ainsi le principe du contradictoire.

L’arrêt de la Cour est donc annulé en raison de cette irrégularité et le Conseil d’Etat règle l’affaire au fond.

Au préalable, la Haute juridiction relève que l’attitude du fonctionnaire justifie une sanction disciplinaire :

« Ces graves manquements, dont l’exactitude matérielle n’est pas contestée par l’intéressé, sont constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire »

Ensuite, le Conseil d’Etat se prononce sur la question de savoir si l’état de santé mentale de l’intéressé pouvait l’exonérer de sa responsabilité disciplinaire.

Il constate que tel avait été le cas plusieurs années auparavant : 

« D’autre part, si M. D… soutient que son état de santé mentale le rendait irresponsable de ses actes, à l’instar de ce qui avait été déjà constaté à l’occasion de la précédente procédure de révocation engagée par la région Languedoc-Roussillon en 2008, lors de laquelle un rapport d’expertise psychiatrique avait conclu à son irresponsabilité au moment des faits qui lui étaient alors reprochés »

Il estime toutefois que tel n’est pas le cas dans le cadre de la présente procédure : 

« il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des documents fournis par l’intéressé, que son état de santé mentale, pour la période d’avril à septembre 2016, faisait obstacle à ce qu’une sanction soit prononcée en raison des manquements en cause. »

Par conséquent, le Conseil d’Etat conclut que :

« Dans ces conditions, eu égard à la gravité des faits reprochés, lesquels sont au demeurant survenus alors que la région avait donné en 2014 à M. D. la possibilité de reprendre une activité professionnelle au sein de la fonction publique territoriale en décidant de ne pas mettre en œuvre la première sanction de révocation prise en 2008, et compte tenu de ce que l’état de santé mentale de M. D. n’était pas de nature à altérer son discernement au moments des faits en cause, l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer la révocation de l’intéressé ».

Il en résulte qu’il ne suffit pas, pour un agent public ayant commis une faute disciplinaire, d’invoquer des troubles mentaux pour échapper à sa responsabilité disciplinaire.

Rappelons néanmoins que l’existence de troubles mentaux doit être prise en compte dans le choix de la sanction afin que celle-ci réponde à l’exigence de proportionnalité.

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