Le débiteur qui n’a pas été mis en mesure de participer à la vérification des créances peut faire appel de l’état des créances

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com., 28 mars 2018, pourvoi n° 17-10.600 FS-P+B

 

La jurisprudence portant sur la notion d’état des créances est loin d’être claire.

 

S’il est désormais établi que cet état n’est pas, en soi, une décision de justice, mais un agglomérat de décisions distinctes (admissions sans contestation, ordonnances de Juge-Commissaire, décisions de tribunaux ayant statué sur des instances déjà en cours au jour du jugement d’ouverture et qui échappaient donc à la compétence du Juge-Commissaire, etc.), pour autant, les décisions de la Cour de Cassation semblent parfois considérer l’état des créances comme une décision de justice à part entière, contre laquelle un recours (individuel) est possible, alors que dans d’autres cas, la Cour exige que le recours soit exercé contre l’une ou l’autre des décisions individuelles composant cet état des créances[1].

 

L’arrêt ici commenté fait partie de la seconde catégorie, puisqu’une nouvelle fois, la Cour de Cassation admet la possibilité d’un appel général contre l’état des créances, de la part du débiteur.

 

En effet, dans cette espèce, le débiteur a formé appel à l’encontre de l’état des créances, soutenant qu’il n’avait pas été mis en mesure de vérifier préalablement les créances déclarées par le Mandataire Judiciaire.

 

Se posait donc la question de la recevabilité de son appel puisque, conformément à l’article L 624-1 du Code de Commerce, le débiteur qui ne formule pas d’observation à l’encontre des créances déclarées, est ensuite irrecevable à formuler une quelconque demande ultérieure.

 

Faisant application de la solution prétorienne évoquée ci-dessus, le débiteur défendait la recevabilité de son recours en arguant ne pas avoir été mis en mesure de vérifier le passif par le Mandataire Liquidateur.

 

La Cour d’Appel déclare son appel irrecevable, en retenant qu’il ne démontrait pas ne pas avoir été convoqué par le Mandataire.

 

La Cour de Cassation casse l’arrêt assez logiquement, sur le fondement du droit de la preuve, puisque n’ayant pas été convoqué, le débiteur est bien incapable de prouver l’absence de convocation.

 

Il s’agit là d’une preuve négative, impossible.

 

Toutefois, la Cour prend le soin de rappeler que l’appel, par le débiteur n’ayant pas été mis en mesure de vérifier le passif, est bien recevable, mais simplement dans les10 jours de la publication au BODACC de l’avis de dépôt de cet état des créances.

 

Or, en l’espèce, l’appel est postérieur de plus 3 ans à l’avis BODACC…

 

Il y a donc fort à parier que la Cour d’Appel de renvoi déclare, malgré tout, le débiteur irrecevable en son recours, mais sur un fondement différent.

 

Etienne CHARBONNEL

Associé

Vivaldi-Avocats



[1] Voir par exemple Cass. Com. du 15 mars 2005 pourvoi n° 03-19786 ou Cass. Com du 8 juin 2010 pourvoi n° 09-14995 et a contrario Cass. Com du 27 mai 2014 pourvoi n° 13-15512 qui admet l’appel du débiteur contre l’état des créances en son entier.

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