Le Conseil d’État à Roland Garros

Harald MIQUET
Harald MIQUET

 

Source : CE, Fédération française de tennis, 3 octobre 2016, Nos 398589, 398613

 

A arbitrer la joute contentieuse, les juges du Palais royal qui, une fois n’est pas coutume, ont pris possession de la chaise d’arbitres de Roland Garros. L’enjeu de la rencontre tend globalement au questionnement de la légalité du permis de construire visant à la rénovation et l’extension du stade de Rolland Garros d’un court de tennis entouré de serres botaniques d’une surface de plancher 2 581 m dans le périmètre du site du Bois de Boulogne zone classée par arrêté ministériel du 23 septembre 1957.

 

A l’occasion de cette espèce de « court », c’est d’abord une réflexion sur la discretionnalité de l’administration dans la délivrance d’un permis de construire et d’aménager sur un site classé.

 

1er set

 

Au fait du projet d’agrandissement et réfection du stade de Roland Garros, plusieurs requérants dont la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, le collectif Auteuil les Princes, France Nature Environnement Ile-de-France, Vieilles Maisons Françaises et SOS Paris ont sollicité du juge des référés la suspension de l’arrêté du 9 juin 2015 par lequel la maire de Paris a accordé à la Fédération française de tennis un permis de construire (n° PC 075 116 13 V 1035) pour le projet de restructuration du stade Roland Garros.

 

Par jugement du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Paris, statuant en référé, répond favorablement à cette demande et suspend l’exécution de ce permis de construire considérant satisfaites les conditions de l’urgence et du doute sérieux sur la légalité posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

 

S’agissant du doute sérieux sur la légalité du permis de construire, le juge des référés a relevé que le classement du site du Bois de Boulogne avait pour objet de faire obstacle à une utilisation de parcelles contraire à son affectation légale de promenade publique et de lutter contre les extensions des concessions.

 

En outre, le juge devait considérer que la décision ministérielle autorisant les travaux sur le fondement de l’article L. 341-10 du code de l’environnement était susceptible d’opérer l’équivalent d’un déclassement partiel du site classé sans toutefois respecter la procédure qui lui est rattachée notamment par l’édiction d’un décret en Conseil d’Etat prévue à la lettre de l’article L. 341-13 du même code.

 

Passing-shot

 

Par un recours consolidé le 7 septembre 2016, la Fédération française de tennis se pourvoit en cassation et demande au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance et de rejeter la demande de suspension de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France.

Jeu, set et match

 

Par sa décision, le Conseil d’État annule le jugement du tribunal administratif pour erreur de droit en estimant que les travaux projetés n’étaient pas de nature à remettre en cause le classement du site du Bois de Boulogne.

 

Pour juger qu’il n’avait pas de doute serieux sur la légalité du permis de construire, il a opéré un contrôle normal et s’est fondé sur la nature et le caractère des constructions projetées et sur leur faible superficie par rapport à l’étendue du site classé.

 

Comme le relève dans ses conclusions le rapporteur public M. Xavier DOMINO, la question de l’articulation entre les deux procédures (autorisation ministérielle / déclassement par décret en Conseil d’Etat) a déjà été tranchée par la jurisprudence du Conseil d’Etat.[1]

 

De plus, à l’inverse du tribunal administratif, le Conseil d’état a pris en considération les compensations prévues, par l’ouverture à la promenade publique, hors période de tournoi, des nouvelles serres entourant le court en remplacement de celles détruites par son extension.

 

De même, la prise en compte des compensations n’est pas nouvelle en jursprudence, on relèvera par exemple dans la décision du Association Seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature[2] que le Conseil d’Etat a admis dns son principe une compensation d’une parcelle de la forêt d’une superficie équivalente au terrain d’assiette de l’opération.

 

Dans l’hypothèse de la décision commentée on notera que la mesure de compensation ne concerne pas une composante du domaine public naturel mais bien un élément qui relève du domaine public artificiel.

Harald MIQUET

Vivaldi-Avocats



[1] En ce sens v. Section du 11 janvier 1978, Association pour la défense et l’aménagement d’Auxerre, n° 3722,

[2] CE Association Seine-et-marnaise pour la sauvegarde de la nature décision du 29 juillet 2002, n° 232582

 

 

 

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