Bail commercial, absence d’effet interruptif de la prescription par la notification d’un mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux, à défaut de sa saisine

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

Dans un arrêt important et amené à être publié au Bulletin, la troisième chambre civile juge dans son arrêt du 25 janvier 2023, que la notification d’un mémoire préalable requis aux fins de saisine postérieure du juge des loyers commerciaux, n’interrompt la prescription que lorsque la contestation relative à la fixation du loyer révisé ou renouvelé est porté devant le même juge.

SOURCE : Cass. civ 3ème, 25 janvier 2023, n°21-20009, FS – B

Dans les faits classiques et parfaitement connus, un bailleur fait délivrer un congé avec offre de renouvellement. Les parties sans être opposées au principe du renouvellement du bail, discutent du prix du bail proposé par le bailleur.

Faute d’accord, le bailleur notifie à son locataire commercial un mémoire préalable puis l’assigne devant Tribunal Judiciaire (et non devant le juge des loyers commerciaux) aux fins de validation du congé et accessoirement, de fixation du loyer du bail de renouvellement.

Le bailleur se voit débouté en cause d’appel au motif que sa demande en fixation judiciaire du loyer de renouvellement est prescrite. Celui-ci se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au moyen d’une argumentation implacable :

D’une part, la Cour relève au visa des articles 2240 et suivants du Code civil applicables en matière d’interruption des délais de prescription, que la notification du mémoire ne constituant pas une demande en justice au sens de l’article 2241 du Code civil, n’est une cause interruptive de la prescription qu’en vertu de l’article 33 alinéa 1er du décret du 30 septembre 1953, selon lequel la notification du mémoire préalable à la saisine du juge des loyers commerciaux interrompt la prescription.

D’autre part, la Cour rappelle que les contestations relatives à la fixation du loyer du bail renouvelé ou révisé sont portées  devant le juge des loyers commerciaux, les autres contestations étant portées devant le Tribunal Judiciaire.

Puis la Cour énonce que le mémoire préalable n’est institué que pour la procédure pendante devant le juge des loyers commerciaux, de sorte que sa notification n’interrompt la prescription que lorsque la contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé est portée devant ce juge.

Dans les faits, la troisième chambre ne manque pas de relever que le requérant a saisi à titre accessoire le Tribunal Judiciaire d’une demande en fixation du prix du bail renouvelé, sans saisir le juge des loyers commerciaux suivant la procédure spéciale sur mémoire, lequel ne saurait constituer au sens de l’article 2240 du Code civil une demande en justice, de sorte que sa notification n’interrompt  la prescription que lorsque la contestation est portée devant le juge des loyers.

Partant, le bailleur qui a assigné son locataire plus de deux ans après la date d’effet du renouvellement du bail, se voit opposer la prescription de sa demande en fixation du prix du bail de renouvellement.

A noter que la notification du mémoire préalable par l’une ou l’autre des parties interrompt la prescription à compter de la date d’expédition du mémoire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception[1], point de départ d’un nouveau délai de deux ans au cours duquel le juge des loyers doit être saisi par assignation.

L’effet interruptif s’applique même si le mémoire n’est pas signé[2], et même s’il est affecté d’un vice de fond[3]. En revanche, la notification n’interrompt pas la prescription si elle est effectuée par lettre simple[4].

Enfin, il convient de noter que la remise au greffe du mémoire aux fins de fixation de la date d’audience ne saisit pas le juge des loyers commerciaux et ne peut donc interrompre le délai de prescription de l’action en fixation du loyer du bail renouvelé[5]


[1] En ce sens, Cass. civ 3ème, 17 octobre 2012, n°11-21646, FS – B

[2] En ce sens, Cass. civ 3ème, 13 février 2002, n°00-18671, FS – B

[3] En ce sens, Cass. civ 3ème, 8 juillet 2015, n°14-15192, FS – B

[4] En ce sens, Cass. civ 3ème, 2 février 2005, n°03-18042, FS – B

[5] En ce sens, Cass. civ 3ème, 23 janvier 2013, n°11-20313, FS – B

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