Abandon de poste : Précisions sur la régularité de la mise en demeure par voie d’huissier

Eloïse LIENART
Eloïse LIENART

Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat a jugé que la signification par voie d’huissier de la mise en demeure de reprendre ses fonctions produit ses effets même en l’absence de l’agent de son domicile.

Source : Conseil d’Etat, 15 mars 2024, n° 456789

En l’espèce, un inspecteur des finances publiques ne s’est pas présenté à son nouveau poste après avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire de déplacement d’office et à l’issue de son arrêt maladie.

Par un courrier de la Direction régionale des finances publiques du Centre-Val de Loire, signifié par acte d’huissier, il a été invité à se présenter à son poste ; mais ne s’est pas présenté dans son nouveau service à la date déterminée, ni les jours suivants.

Par un nouveau courrier du Directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire, signifié par acte d’huissier, il a été mis en demeure de se présenter dans son nouveau service, sous peine de s’exposer à être radié des cadres pour abandon de poste, sans le bénéfice des garanties de la procédure disciplinaire. 

Ne s’étant toujours pas présenté à son poste, il a été radié des cadres pour abandon de poste.

L’inspecteur des finances publiques se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes ayant rejeté son appel formé contre le jugement du Tribunal administratif d’Orléans ayant rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté ayant prononcé sa radiation des cadres.

Il soutenait notamment qu’il n’avait pas bénéficié d’un délai suffisant pour rejoindre son poste

Le Conseil d’Etat rappelle d’abord sa jurisprudence classique en matière d’abandon de poste en énonçant qu’une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l’agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié, qu’il appartient à l’administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d’un document écrit, notifié à l’intéressé, l’informant du risque qu’il encourt d’une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l’agent ne s’est pas présenté et n’a fait connaître à l’administration aucune intention avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l’absence de toute justification d’ordre matériel ou médical, présentée par l’agent, de nature à expliquer le retard qu’il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé.

La Haute juridiction précise ensuite, en réponse à l’argument soulevé par le requérant, que  la cour administrative d’appel a relevé qu’il n’avait pas retiré les précédents courriers qui lui avaient été signifiés par acte d’huissier ; et que par conséquent il ne pouvait être regardé comme ayant accompli toutes les diligences pour retirer dans le plus bref délai, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l’article 656 du code de procédure civile, les courriers qui lui avaient été adressés par son employeur à son domicile.

Ainsi, elle considère que la Cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’en cas de signification par voie d’huissier, la circonstance que le destinataire d’une mise en demeure de rejoindre son poste soit absent ne saurait faire obstacle à ce que celle-ci produise ses effets dès lors que l’avis, conformément à l’article 656 du code de procédure civile, mentionne la nature de l’acte et le fait qu’une copie doit en être retirée dans le plus bref délai.

Enfin, elle estime qu’elle n’a pas davantage entaché son arrêt de dénaturation des faits en estimant que, dans les circonstances de l’espèce, un délai suffisant avait été laissé au requérant pour rejoindre son poste, ni d’erreur de qualification juridique en jugeant que son comportement devait être regardé comme un abandon de poste.

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