Le juge judiciaire demeure compétent pour connaitre d’une action en garantie exercée par le titulaire d’un marché public à l’encontre de ses sous-traitants, dans le cadre d’un litige l’opposant, devant le juge administratif, à l’administration

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

 

SOURCE : Tribunal des conflits, 16 novembre 2015, n°4029, Métropole européenne de LILLE c/ Société Strabag Umweltanlagn GmbH.

 

En l’espèce, le Tribunal administratif de LILLE, saisi d’une demande de la métropole européenne de LILLE tendant à la condamnation de la société Strabag à lui verser la somme de 4.184.821,90 au titre du dysfonctionnement des installations construites, avait renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de l’ordre juridictionnel compétent pour connaître de l’action en garantie exercée par la société Strabag contre ses sous-traitants.

 

Dans le droit fil de sa jurisprudence Société de Castro du 24 novembre 1997 – selon laquelle le litige, né de l’exécution d’un marché de travaux publics opposant les participants à l’exécution des travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative, « sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé »-, le Tribunal des conflits a considéré que le juge administratif ne pouvait connaître de l’action en garantie engagée par le titulaire à l’encontre de son sous-traitant avec lequel il était lié par un contrat de droit privé.

 

Bien qu’une telle solution ne semble guère surprenante, en ce qu’elle ne fait qu’appliquer la jurisprudence Société de Castro, il demeure que la question se posait légitimement au regard de l’arrêt récent du Tribunal des conflits du 9 février 2015, Sté ACE European Group Ltd c/ M. Targe et autres.

 

En effet, dans ce dernier arrêt, le Tribunal des conflits avait apporté un tempérament à la logique de la jurisprudence Société de Castro, en considérant que le juge administratif saisi d’un litige né d’un marché de travaux publics opposant le maître d’ouvrage à des constructeurs, était également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs liés au sein d’un même groupement, et ce y compris lorsque les répartitions des prestations « résultaient d’un contrat de droit privé ».

 

En l’espèce, la question se posait alors de savoir si un tel aménagement tendant à conforter le bloc de compétence administrative en matière de contentieux des marchés publics, devait être étendue aux actions en garantie intentées par le titulaire du marché contre ses sous-traitants.

 

Invité par le rapporteur public à conclure à l’incompétence du juge administratif, dès lors que le contrat de sous-traitance « se situait en-dehors de l’orbite du marché public » (le marché public n’étant pas opposable au sous-traitant, lequel n’entretient aucune relation de droit public avec le maître d’ouvrage public), le Tribunal des conflits a ainsi statué en la faveur de la compétence du juge judiciaire.

 

En effet, suivant le rapporteur public, admettre le contraire aurait conduit à « détricoter » le principe posé par l’arrêt Société de Castro puisque rien n’empêcherait dès lors de « tirer sur le fil », et de soumettre à la compétence de la juridiction administrative le recours exercé par un sous-traitant à l’encontre de son propre sous-traitant.

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats

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