Notation ESG : publication d’un nouveau règlement

Antoine DUMONT

Un nouveau règlement (UE) 2024/3005 du 27 novembre 2024 et publié le 12 décembre de la même année a pour vocation de renforcer la transparence et l’intégrité des activités de notation ESG.

Source : Règlement (UE) 2024/3005 du parlement européen et du conseil du 27 novembre 2024

I – La notation ESG

Avant d’entrer dans les apports spécifiques de ce règlement, il peut être opportun de revenir sur ce qu’est une notation ESG.

Une notation ESG est une note qui a pour objectif d’évaluer la performance globale d’une entreprise selon des critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance. La notation ESG permet également, par la notation des entreprises dans lesquelles il est investi, de donner une coloration à un fonds d’investissement et permet donc aux investisseurs de s’orienter vers des fonds plus ou moins respectueux des critères précités.

Ces notations ESG sont émises par des agences de notation parmi lesquelles on peut citer MSCI, Standard & Poor’s, Sustainalytics ou encore EcoVadis. Elles se basent sur différents indicateurs pour noter par « pilier », chacun des piliers étant divisé en sous-catégories, avec une note pour chacun des trois critères, comme l’émission de gaz à effets de serre, la proportion de fournisseurs engagés à respecter les droits de l’homme ou encore la proportion d’administrateurs indépendants au sein du conseil d’administration. Les notes de ces piliers permettent ensuite d’obtenir une moyenne représentée bien souvent sous forme de lettres (AAA, C+ etc.).

Chaque agence de notation dispose de sa propre méthodologie. Elle choisit la pondération des sous-catégories des piliers, ainsi que des piliers eux-mêmes. De plus, chaque agence sélectionne les indicateurs d’intérêt, qui varient nécessairement en fonction du secteur d’activité dans lequel l’entreprise agit. Cet état de fait conduit à des divergences de notation entre les agences de notation, une entreprise pouvant obtenir telle note de la part de l’agence MSCI et telle autre de la part de l’agence EcoVadis.

En définitive, les notations ESG émanent de différentes agences de notation qui possèdent chacune sa propre méthodologie de notation. Les méthodologies opaques de notation ont conduit à une certaine défiance et un manque de confiance quant aux notations ESG attribuées aux entreprises. Une défiance et un manque de confiance que le règlement à l’étude se propose de gommer.

II – Les apports du règlement

Ce règlement publié le 12 décembre 2024, est entré en vigueur au 1er janvier 2025, et sera applicable à partir du 2 juillet 2026. Il s’applique aux agences de notation qui exercent leur activité au sien de l’Union européenne.

Le règlement a pour principales vocations de mettre en place une certaine cohérence dans les activités de notation ESG, de rendre les méthodologies de notation plus transparentes et plus facilement comparables.

Tout d’abord, le nouveau règlement impose aux fournisseurs de notation ESG de l’Union européenne d’être agréés par l’Autorité européenne des marchés financiers (European Securities and Markets Authority). Concernant les fournisseurs de notations ESG établis en dehors de l’Union et qui souhaitent exercer des activités de notation ESG au sein de l’Union, ils doivent être inscrits sur un registre et respecter certaines conditions comme l’obtention d’un agrément ou d’un enregistrement en tant que fournisseur de notations ESG dans le pays tiers, ils doivent également fournir à l’ESMA une preuve du respect de ces conditions parallèlement à la notification du souhait d’exercer une activité de fournisseur de notations ESG.

Ensuite, les fournisseurs de notations ESG doivent veiller à une stricte séparation de leurs activités commerciales, ils ne peuvent exercer une activité de conseils auprès d’investisseurs ou d’entreprises, ils ne peuvent non plus exercer une activité d’investissements ou de services d’investissements ni une activité d’établissement de crédits, d’assurance ou de réassurance. Concernant l’exercice de services et d’activités d’investissements ainsi que l’activité d’établissements de crédit, d’assurance et de réassurance, elles sont néanmoins possibles si le fournisseur de notations ESG met en place des mesures spécifiques pour garantir l’autonomie de ses activités, éviter des conflits d’intérêts et éviter que les membres de son personnel ne participent à la fois à la notation ESG et aux activités précitées.

Concernant la méthodologie utilisée par les agences de notation ESG, le règlement leur impose de publier sur leur site internet, au minimum, les méthodes, modèles et principales hypothèses de notation qu’ils utilisent dans le cadre de leur notation ESG.

De plus, sur la prévention des conflits d’intérêts et l’indépendant des fournisseurs de notation ESG, le règlement impose la mise en place d’un dispositif de gouvernance solide, clairement organisée et avec un partage des rôles et des responsabilités bien défini.

Enfin, le règlement rappelle que ni l’AEMF (ESMA), ni la Commission, ni aucune autorité publique d’un Etat membre ne peut interférer avec le contenu des notations ESG ainsi que les méthodes utilisées pour les établir.

III – Lutte efficace contre le greenwashing ?

Il faut toujours se féliciter lorsqu’un règlement européen accentue la transparence des systèmes de notations financières et extra-financières, notamment concernant la notation ESG.

Plus particulièrement pour le pilier « Environnement », le greenwashing est aujourd’hui de plus en plus utilisé par les entreprises pour se donner une image trompeuse de responsabilité écologique. S’il permet efficacement de lutter contre le greenwashing, le règlement aura rempli au moins en partie sa mission de redonner confiance aux investisseurs qui font de la notation ESG un critère de leurs investissements. En revanche, si le règlement n’est pas suivi d’effets contraignants pour les entreprises, il deviendra lui-même un élément du greenwashing en établissant une coquille vide normative donnant l’impression de lutter contre le greenwashing.

Par exemple, au lieu de permettre par dérogation aux fournisseurs de notation ESG d’exercer certaines activités sous réserve du respect de règles censées prévenir tout conflit d’intérêt mais difficilement contrôlables en pratique, peut-être aurait-il été plus efficace d’obliger les agences de notations ESG à n’être que des agences de notations ESG ?

Il faut tout de même noter que le règlement comporte des mesures de surveillance et de sanctions : l’AEMF peut notamment retirer un agrément, interdire au fournisseur de distribuer des notations ESG, imposer des sanctions prévues à l’article 36 (par exemple une amende d’un maximum de 10 % du chiffre d’affaires annuel total net du fournisseur) ou encore émettre une communication au public.

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