Prescription acquisitive en présence d’une servitude de vue irrégulière

Amandine Roglin
Amandine Roglin

Un copropriétaire peut acquérir une servitude de vue, même illicite, par prescription acquisitive.

Source : Cass.3ème civ. 21 avril 2022, n°21-12.240, FS-B

I –

Un copropriétaire avait, il y a plus de 30 ans, percé le mur d’enceinte de la copropriété, créant des vues illicites sur le fonds voisin, appartenant à une autre copropriété.

Ces percements étaient irréguliers puisque le copropriétaire les avait pratiqués sans respecter les règles applicables en matière de vues, ni le droit de la copropriété puisqu’il n’avait pas demandé l’autorisation de l’assemblée générale, ni les règles d’urbanisme puisqu’il n’avait pas fait de déclaration préalable de travaux.

Ce faisant, le copropriétaire pouvait-il se voir reconnaître un droit de propriété par l’effet de la prescription acquisitive en présence d’une servitude de vue irrégulière ?

C’est la question qui était posée à la Cour de cassation.

II –

En cause d’appel, les juges ont refusé de reconnaître l’acquisition par l’effet de la prescription et ont ordonné la remise en état du mur.

Les juges du fond ont en effet considéré qu’aucune servitude n’avait pu être acquise par prescription dans la mesure où les ouvertures avaient été pratiquées de façon irrégulière.

Un pourvoi en cassation est formé.

III –

Selon les dispositions des articles 688 et 689 du Code civil, les servitudes continues et apparentes s’acquièrent par titre ou par la prescription (Cass, 3ème civ., 2 juin 1999, n°96-22.114 – Cass, civ.3ème, 1er février 2018, n°16-27.532).

Selon les dispositions de l’article 2261 du Code civil, la possession permettant de prescrire suppose l’accomplissement continu d’actes matériels d’exercice du droit allégué et la volonté de celui qui les accomplit de se comporter comme le titulaire de ce droit. Elle doit être exempte de vices d’équivoque, de violence et de clandestinité.

Depuis longtemps, les règles de la prescription acquisitive sont appliquées en matière de copropriété.

Ainsi, la propriété d’une partie commune peut s’acquérir par prescription.

L’inverse est également possible : la copropriété peut prescrire la propriété d’une partie privative (Cass, Civ., 3ème, 8 octobre 2015, n°14-16.071) ou celle d’une parcelle voisine (Cass, Civ., 3ème, 25 mars 2014, n°11-17.435).

IV –

Les juges de la Cour de cassation ont cassé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel :

« Pour condamner M. [B] à fermer les ouvertures, l’arrêt énonce que nul ne peut prescrire en vertu d’une possession s’établissant sur des actes illicites ou irréguliers et retient que les vues droites et directes sur la résidence Le Soleil ont été percées dans le mur appartenant à la résidence Port des sables sans son accord et sans déclaration en application des dispositions de l’article R. 421-17 du code de l’urbanisme, de sorte que la possession invoquée par M. [B] s’est établie sur des actes irréguliers.

En statuant ainsi, alors que l’absence de déclaration préalable d’urbanisme et le défaut d’autorisation des travaux de percement par l’assemblée générale des copropriétaires ne font pas obstacle à l’acquisition d’une servitude de vue par prescription, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Partager cet article