On ne badine pas avec la motivation des propositions de rectification

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

 

Source :arrêts CE du 4/02/2013 n°336592 et 336593

 

Il est constant que l’administration fiscale doit informer le contribuable de son intention de rehausser ou d’arrêter les bases d’imposition avant la mise en recouvrement. Cette obligation d’information incombe à l’administration que la procédure mise en œuvre soit contradictoire ou non.

 

Ainsi, il est nécessaire que la proposition de rectification adressée au contribuable soit motivée et fasse état des éléments sur lesquels l’administration s’est basée. Cela résulte des articles L57 (procédure contradictoire) et L76 (procédure d’office) du Livre des Procédures Fiscales.

 

Pour établir les rehaussements ou arrêter les bases d’imposition, l’administration fiscale peut se baser sur des renseignements provenant de tiers et relatifs à la situation particulière du contribuable et/ou sur les données utilisées pour procéder à une comparaison entre la situation du contribuable et celle d’une ou plusieurs autres personnes ou du secteur d’activité dont le contribuable relève un secteur d’activité voisin ou analogue.

 

Les obligations de l’administration fiscale sont différentes selon l’information utilisée et le Conseil d’Etat fait ici la distinction.

 

Concernant les renseignements obtenus auprès de tiers, l’administration fiscale est tenue d’informer le contribuable de l’origine et de la teneur de ces renseignements avec une précision suffisante pour permettre à l’intéressé de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition. L’administration fiscale a ainsi une obligation de communication si le contribuable en fait la demande. Le défaut de communication entraîne l’irrégularité de la procédure.

 

Concernant les données utilisées par l’administration fiscale pour procéder à la comparaison entre la situation du contribuable celle d’une ou plusieurs autres personnes ou du secteur d’activité dont le contribuable relève un secteur d’activité voisin ou analogue, l’administration fiscale n’est pas tenue d’une obligation de communication mais à une obligation d’information. L’administration fiscale doit désigner nommément les personnes avec qui le contribuable est comparé et doit lui faire part des données concernant ces personnes mais sous la forme de moyenne afin que le contribuable ne puisse connaître les données propres à chaque terme de comparaison (l’administration fiscale est en effet tenue au secret professionnel). Cette obligation d’information s’impose à l’administration fiscale et ne souffre aucune exception car elle constitue une garantie pour le contribuable : les informations utilisées doivent être communiquées même si le contribuable disposait d’éléments pour contester la position de l’administration fiscale.

 

En l’espèce, le contribuable redressé exploitait une boulangerie pâtisserie dont la comptabilité avait été déclarée non probante. Le vérificateur avait donc dû reconstituer les recettes du contribuable. Pour cela, il lui avait demandé communication de la composition de ces produits. Le contribuable ayant refusé, le vérificateur a été dans l’obligation d’utiliser des données provenant de deux établissements considérés comme similaires à celui du contribuable. Aucune information sur les établissements utilisés comme comparatifs n’a été donnée au contribuable dans le cadre de la procédure de rehaussement.

 

Le Conseil d’Etat a estimé que cela a entaché la procédure d’irrégularité quand bien même le contribuable disposait d’éléments relatifs à sa propre situation pour contester les évaluations du vérificateur et si la recherche par l’administration fiscale d’information relatives à d’autres entreprises était la conséquence du refus du contribuable de communiquer des informations dont il disposait.

 

Le Conseil d’Etat est ainsi très exigeant en matière de motivation et est très attentif au respect de cette règle.

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats

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