SOURCE : 3ème civ, 24 septembre 2014, n°13-17478, FS – P+B
Devant le juge des loyers commerciaux, seul compétent pour trancher les difficultés « relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé » [1] la procédure se déroule sur mémoire, conformément aux dispositions de l’article R145-23 al 1du code de commerce. En conséquence, après dépôt du rapport d’expertise contenant estimation de la valeur locative, les parties sont tenues de se notifier mutuellement un mémoire contenant, ou rappelant, leurs prétentions, à la lecture duquel le juge statuera (article L145-31 du Code de commerce).
Le défaut de notification d’un tel mémoire est sanctionné par l’extinction de la procédure en fixation du bail renouvelé ou révisé, constituant une irrégularité de fond[2].
La Cour d’appel de Versailles considérait toutefois que le vice de fond affectant l’irrégularité de délivrance d’un mémoire transmis par acte du palais pouvait être régularisé, position partagée par la Cour de cassation[3]. Certaines juridictions du fonds ont alors considéré que l’absence total de mémoire après expertise pouvait également faire l’objet de régularisation en cause d’appel, par la notification d’un mémoire avant que la Cour ne statue[4].
En l’espèce, dans le cadre d’une procédure en fixation du loyer du bail renouvelé initiée par un bailleur, la Cour d’appel d’Aix en Provence avait relevé qu’aucun mémoire n’avait été notifié, ni transmis d’ailleurs, postérieurement au dépôt du rapport d’expertise, de sorte que, au jour où les premiers juges ont statué, la procédure était irrégulière. Mais elle relève, confirmant ainsi sa jurisprudence, que le bailleur a notifié un mémoire en cause d’appel avant que la Cour ne statue, de sorte que la nullité de la procédure était couverte, et l’action du bailleur recevable.
Cette position est partagée par la Cour de cassation, au terme d’un contrôle normatif lourd :
« Ayant constaté que l’instance avait été régulièrement engagée dans le délai de deux ans à compter de la date d’effet du congé et relevé que la bailleresse justifiait avoir notifié par lettre recommandée avec accusé de réception un mémoire après le dépôt du rapport d’expertise et avant qu’elle ne statue sur ce moyen de nullité qui n’avait pas été soulevé devant le premier juge, la cour d’appel en a exactement déduit que l’action de la bailleresse en fixation du loyer du bail renouvelé était recevable ».
Par conséquent, toute position inverse aurait été censurée.
L’absence de notification d’un mémoire après expertise est donc toujours sanctionnée par l’extinction de la procédure en fixation du bail renouvelé ou révisé…mais dorénavant, pour qu’une telle sanction soit prononcée, encore faut-il que le bailleur refuse de régulariser la procédure lorsque cela lui est demandé…
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Article R145-23 du Code de commerce et R. 211-4 du Code de l’organisation judiciaire
[2] 3ème civ, 22 novembre 2011, n° 10-25686 ; 3ème civ, 13 octobre 2010, n°09-66600 ; 3ème civ, 4 février 2009, n°08-10723 ; 3ème civ, 30 avril 2003, n° 01-15508 ; dans le même sens, 3ème civ, 24 juin 1998, n° 96-19730
[3] 3ème civ, 17 septembre 2008, n°07-16973
[4] CA Rennes, 20 mai 2009, n°08/03646 ; CA Aix en Provence, CH4, 14 janvier 2010, n°06/12589 ; CA Pau, 25 mars 2010, sous 3ème civ, 22 novembre 2011 préc.,