Nomination des contrôleurs et pouvoir d’appréciation du juge-commissaire

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Cass. Com. 29 septembre 2015, Pourvoi n°14-15.619 P+B

 

Les décisions de la Cour de Cassation sur la nomination des contrôleurs en procédure collective sont rares, et il s’agit ici, à notre connaissance, d’une première depuis l’entrée en vigueur de la loi de Sauvegarde.

 

La raison à cela est principalement procédurale, puisque la décision de désignation (ou de refus de désignation d’un contrôleur) n’est susceptible d’appel que par le ministère public, et ni la tierce opposition, ni le pourvoi en cassation ne sont possibles (même par le ministère public).

 

De sorte que la seule voie « d’accès » à la cour de Cassation serait celle du pourvoi en excès de pouvoir. Et si la Cour de Cassation ne reconnaît pas d’excès de pouvoir, elle ne rejettera pas le pourvoi mais le déclarera irrecevable, comme en l’espèce.

 

La décision ici commentée n’en est que plus intéressante.

 

Elle porte sur le pouvoir d’appréciation du juge commissaire dans la désignation des contrôleurs, prévue à l’article L 621-10 du Code de Commerce.

 

Le premier alinéa de ce texte est rédigé de la sorte : « Le juge-commissaire désigne un à cinq contrôleurs parmi les créanciers qui lui en font la demande. Lorsqu’il désigne plusieurs contrôleurs, il veille à ce qu’au moins l’un d’entre eux soit choisi parmi les créanciers titulaires de sûretés et qu’un autre soit choisi parmi les créanciers chirographaires. »

 

Ce texte pose donc l’obligation, pour le juge-commissaire, de désigner comme contrôleur le créancier qui en fait la demande. Se posait toutefois la question sur la marge de manœuvre pour le juge-commissaire lorsque plusieurs contrôleurs (dans la limite de 5) font cette demande. Le juge est-il tenu de tous les désigner ? Ou conserve-t’il une marge d’appréciation.

 

Telle est la position retenue par la Cour de Cassation dans l’arrêt du 29 septembre 2015 : dès lors qu’un contrôleur a déjà été désigné, la lettre de l’article L 621-10 du Code de commerce est respectée et le juge peut écarter certaines « candidatures » sans commettre d’excès de pouvoir.

 

Le pourvoi du candidat contrôleur non désigné est donc ici déclaré irrecevable.

 

Si la décision, en l’état de la rédaction du texte, doit être approuvée, le principe d’une désignation obligatoire lorsqu’un seul créancier demande à être contrôleur pose selon nous difficulté.

 

Cette mission de contrôleur est, par définition, une mission d’observateur du bon déroulement de la procédure, rendue possible par l’accès aux documents de la procédure.

 

Mais cet accès peut, à l’inverse de l’esprit du texte, intéresser des créanciers en conflit avec le débiteur, et qui solliciterait leur désignation en tant que contrôleur aux fins de nuire au débiteur. Et le juge-commissaire, si le créancier indélicat est seul candidat contrôleur, n’aura pour autant aucune marge de manœuvre pour lui barrer la route. La situation pose indiscutablement difficulté.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

 

 

 

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