SOURCE : Loi Pacte n° 2019-486 du 22 mai 2019, art. 76
I – MONOPOLE BANCAIRE EN MATIERE DE PRET : HISTOIRE D’UNE DELIQUESCENCE
I – 1.
L’article L 511-5 du Code Monétaire et Financier interdit aux entités autres que les établissements de crédit ou les sociétés de financement, de prêter à titre habituel. Ce texte consacre le monopole des banques sur les prêts et intérêts.
Mais ce principe souffre de nombres exceptions prévues aux articles L 511-6 et L 511-7 du même Code, selon lesquelles le monopole bancaire ne s’applique pas aux établissements et entités limitativement énumérés tels que notamment les entités régies par le Code des Assurances, les entreprises d’investissement, les organismes de titrisation, les Organismes de Placement Collectif de Valeurs Mobilières (OPCVM) ou les Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI).
Enfin, le monopole ne peut interdire à une société, quelle que soit sa forme juridique, d’accorder des délais de paiement ou avances dans le cours normale des affaires, ou d’effectuer des opérations de trésorerie avec d’autres sociétés qui ont un lien capitalistique direct ou indirect avec elles, et conférant à l’une d’elles un contrôle effectif sur l’autre.
I – 2.
Mais la tendance actuelle est au développement des exceptions. Parmi celles relativement récentes, il peut être cité l’ordonnance n° 2014-539 du 3 mai 2014 relative au « crowdfunding », la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et enfin, la loi n° 2015-990 en date du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « Loi Macron », qui par la modification de l’article L 511-6 du Code Monétaire et Financier prévoit désormais en son § 3 bis, la possibilité pour certaines sociétés d’accorder des prêts destinés à d’autres sociétés, sans passer par un établissement de crédit[1].
Avec la Loi Pacte, le monopole subit une extension de l’exception initialement accordée au prêt consenti par des associés à une société dont ils sont actionnaires.
II – PRET DES ASSOCIES A LA SOCIETE : DISPARITION DU SEUIL DE 5 %
Issu de l’ordonnance du 27 juin 2013[2], l’ancien article L 312-2 disposait en son alinéa 1 (exception monopole bancaire) :
« Les fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d’une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants, ainsi que les fonds provenant de prêt participatif (…) ne sont pas considérés comme des fonds remboursables au public [et donc ne relevant pas du monopole bancaire]. »
L’article L 312-2 nouveau issu de la loi Pacte, est rédigé en mêmes termes que le précédent, sauf à supprimer le seuil de participation de 5 %.
Ainsi, le détenteur d’une seule part ou action peut-il prêter désormais à une société, qu’elle soit commerciale ou civile, sans tomber sous le coup de la violation du monopole bancaire.
Ce n’est à cet égard pas forcément une mauvaise nouvelle, et à y regarder de près, cette loi présente un certain nombre d’avantages :
– C’est d’abord un mode alternatif de financement des entreprises, sans passer par le recours au prêt interentreprise qui fait l’objet d’un formalisme très encadré, et se limite aux prêts dont la maturité ne dépasse pas 2 ans ;
– Permet à des parents ou alliés, de rentrer de manière peu significative, au capital d’une société pour en aider le financement, et ainsi laisser totalement le fruit de la croissance aux acteurs du développement de la société ;
– Permet à des particuliers de se substituer aux banques (attention à la fraude à la loi) en rentrant pour une seule action, au capital d’une Société Civile, aux fins de faciliter par le compte courant, l’acquisition d’un bien immobilier dont le remboursement serait garanti par une sûreté réelle, etc.
Mais en définitive, l’affaiblissement significatif du monopole des banques en matière de prêt bancaire n’est que la constatation par le législateur de l’évolution des mœurs économiques.
Rappelons-nous à cet égard que même si comparaison n’est pas raison, la monnaie, depuis l’apparition des cryptomonnaies, n’est plus le monopole des banques nationales. Le paysage se reconfigure ; il y gagne en souplesse, sans pour autant river de tout intérêt le recours au prêt bancaire.
[1] Evidemment cette possibilité est encadrée par de strictes conditions issues du Décret n° 2016-501 du 22 avril 2016 venu préciser les critères du lien économique requis entre la société prêteuse et l’emprunteuse, les caractéristiques de la situation financière de la société prêteuse (article R 511-2-1-2 du Code Monétaire et Financier), ainsi que le contrôle des commissaires aux comptes (article R 511-2-1-3 dudit Code).
[2] Ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement