Source : Cass. 1er civ., 16 sept. 2020, n° 19-15.939, P+B
I – Les faits
Un homme, marié en séparation de biens, se porte caution solidaire pour garantir un prêt consenti à une société dont il est associé. La société est mise en liquidation judiciaire. La créance de la banque est inscrite au passif de la procédure collective, et les cautions sont condamnées à payer la banque. En paiement de sa créance, la banque assigne alors l’associé et son épouse pour voir ordonner le partage de l’indivision existant entre eux et, pour y parvenir, la licitation du bien immobilier indivis servant au logement de la famille, sur le fondement de l’article 815-17, al. 3 du Code civil.
Le débiteur oppose l’article 215, alinéa 3 du Code civil qui impose la cogestion entre époux pour tout acte qui risquerait de priver la famille de son logement. La cour d’appel écarte l’argument et fait droit à la demande du créancier.
II – Le pourvoi en cassation
La question soulevée est celle de savoir si l’article 215, alinéa 3 du Code civil, protecteur de la résidence familiale, peut être opposé aux créanciers personnels d’un indivisaire provoquant la licitation partage.
La Cour de cassation confirme sa jurisprudence : hormis la fraude, l’article 215 alinéa 3 du Code civil ne peut pas être opposé à l’action des créanciers personnels d’un indivisaire fondée sur l’article 815-17, alinéa 3 du même code. Le pourvoi est rejeté.
III – La confirmation
La protection du domicile familial ne le rend pas insaisissable, cas bien différent de celui de la déclaration d’insaisissabilité[1]. La décision commentée confirme la jurisprudence qui dit pour droit que l’article 215, alinéa 3 du Code civil ne fait pas obstacle à une demande en partage des biens indivis portant sur le logement de la famille, sous réserve de la fraude[2].
L’article 215, alinéa 3 du Code civil a vocation à protéger un époux contre les actes de disposition qu’accomplirait son conjoint sur le logement de la famille (vente, donation…) mais non contre les mesures d’exécution engagées par des tiers. Dès lors, les créanciers d’un époux peuvent notamment, hors le cas de fraude :
Demander l’inscription d’une hypothèque judiciaire[3];
Agir en vente forcée du logement[4];
Ou encore, provoquer le partage du bien s’il est indivis.
La solution inverse rendrait sinon l’article 215, alinéa 3 du Code civil opposable aux créanciers, conduisant à l’insaisissabilité du logement familial, ce qui serait contraire à la loi, hors cas de la déclaration d’insaisissabilité.
[1] Articles 526-1 et suivants du Code de commerce
[2] Cass. civ. 1ère, 3 déc. 1992 n° 90-13.311 ; Cass. civ. 1ère. 18 juin 1985, n° 83-14.915 P ; Cass. civ. 1ère., 21 mai 1997, n° 95-14.102 P
[3] Cass. civ. 1ère. 4 oct. 1983, n° 82-13.781
[4] Cass. civ. 3ème, 12 oct. 1977 n° 76-12.482 ; Cass. civ. 1ère, 24 févr. 1993, n° 91-04.140