Le statut de dirigeant d’une personne morale ne présuppose pas la connaissance de l’existence d’un état de cessation des paiements de celle-ci

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Cass. Com. 19/11/2013 Pourvoi n°12-25.925 n°1091 F-P+B

 

Sur le fondement de l’article L632-2 du Code de Commerce, un liquidateur peut solliciter la nullité de certains actes réalisés préalablement à l’ouverture de la liquidation judiciaire mais postérieurement au constat de l’existence d’un état de cessation des paiements.

 

Cette période courant de l’état de cessation des paiements jusqu’au jugement d’ouverture est dénommée la période suspecte.

 

Dans le cas de l’espèce, le liquidateur poursuivait l’annulation de remboursements de comptes courants d’associés, réalisés au cours de la période suspecte, au profit de deux associés tous deux cogérants.

 

Le liquidateur soutenait que le statut de cogérant permettait de présumer la connaissance de l’existence de l’état de cessation des paiements, les conditions d’annulation du paiement en litige étant dès lors remplies.

 

La Cour de Cassation, dans l’Arrêt commenté, ne valide pas cette position, et juge, au contraire, que la démonstration de la connaissance de l’état de cessation des paiements doit toujours être apportée par le liquidateur pour obtenir le prononcé de l’annulation du paiement suspect, quelque soit le cas d’espèce.

 

Pour autant, la portée de la décision nous apparaît limitée, dans la mesure où l’examen des faits précis de l’affaire fait apparaître certaines particularités qui expliquent le sens de la décision.

 

En effet, si les deux associés cogérants avaient obtenu le remboursement de leurs comptes courants d’associés, seul l’un d’entre eux n’a pas vu le paiement annulé au titre des nullités de la période suspecte.

 

Ce cogérant avait en effet soutenu qu’il existait un litige profond entre lui et son associé, et qu’il n’était pas physiquement présent sur le lieu d’exploitation de la société (un salon de coiffure).

 

Par ailleurs, le litige avait conduit l’autre cogérant à ne pas le tenir informé de l’état de santé de la société, et notamment de l’existence de rejets de chèques.

 

De sorte qu’il avait apporté la preuve que la demande de remboursement de son compte courant d’associés avait été effectuée en toute ignorance de l’existence d’un état de cessation des paiements de la société dont il était malgré tout mandataire social.

 

C’est dans ces conditions particulières que la Cour de Cassation rappelle qu’il appartient au liquidateur de démontrer la connaissance de l’existence d’un état de cessation des paiements par le bénéficiaire du paiement litigieux, nonobstant sa qualité de dirigeant social de la personne morale en liquidation judiciaire.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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