La requalification de CDD en CDI n’exonère pas le Juge de vérifier la réalité du motif du licenciement.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 20 octobre 2015, Arrêt n° 1704 FS-P+B (n° 14-23.712).

 

Un salarié avait été embauché par une chaîne de télévision le 13 novembre 1995 par contrat à durée déterminée en qualité d’imitateur dans le cadre d’un programme journalier diffusé en direct.

 

Les contrats de travail à durée déterminée dénommés « lettre d’engagement » se sont succédés mensuellement jusqu’au 19 septembre 2011, dernier jour travaillé.

 

Contestant la rupture des relations de travail, le salarié a saisi le Conseil des Prud’hommes de BOULOGNE BILLANCOURT aux fins de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, outre le paiement de diverses sommes au titre de la rupture.

 

Par Jugement du 18 septembre 2012, le Conseil des Prud’hommes a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes, considérant que l’activité de l’employeur faisait partie des secteurs d’activités dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour des emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée.

 

En cause d’appel, cette affaire va être examinée par la Cour d’Appel de VERSAILLES, laquelle, dans un Arrêt du 02 juillet 2014, va au contraire accueillir la demande du salarié en requalification à durée indéterminée de la relation de travail, qu’elle justifie par la répétition de lettres d’engagements mensuels durant 16 ans afin d’exercer les mêmes fonctions d’imitateur dans le cadre du même programme télévisuel.

 

La Cour d’Appel de VERSAILLES en déduit donc qu’eu égard à la requalification du contrat en un contrat à durée indéterminée, sa rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les motifs énoncés par la DRH de la société dans son courriel du 20 septembre 2011 par lequel elle notifiait au salarié la fin de la relation de travail.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation, de même que le salarié forme un pourvoi incident contre le même Arrêt.

 

La Chambre Sociale, si elle se retranche derrière le pouvoir souverain d’appréciation des Juges du fonds pour constater l’absence de caractère temporaire de l’emploi du salarié, va toutefois censurer l’Arrêt d’Appel sur la rupture de la relation contractuelle.

 

Enonçant que le Juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse, et relevant que pour condamner l’employeur à payer des sommes au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’Arrêt d’Appel retient qu’eu égard à la requalification du contrat en un contrat à durée déterminée, sa rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les motifs énoncés par la DRH de la société dans son courriel du 20 septembre 2011 par lequel elle a notifié au salarié la fin de la relation de travail, mail dont le salarié avait pris connaissance, la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article l.1232-6 du Code du Travail.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’Arrêt d’Appel sur ce point et renvoie les parties devant la Cour d’Appel de VERSAILLES autrement composée.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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