L’action de groupe en droit français : le décret d’application est entrée en vigueur le 1er octobre…

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCES : Décret n° 2014-1081 du 24 septembre 2014 relatif à l’action de groupe en matière de consommation

 

A peine entrée en vigueur, l’action de groupe sera introduite par L’UFC-Que Choisir qui espère récupérer de FONCIA une somme de 44 millions d’euros au titre de « service d’avis à échéance » qu’elle aurait perçue illicitement de ses 318.000 locataires, en violation de la Loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs qui prohibe la facturation de frais de relance ou d’expédition de la quittance[1].

 

L’inauguration de cette nouvelle action empruntée au droit américain sera réalisée devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, dans le ressort duquel de situe le siège du groupe FONCIA, conformément au nouvel article R423-2 du Code de la consommation :

 

« Le tribunal de grande instance territorialement compétent est celui du lieu où demeure le défendeur.

 

 « Le tribunal de grande instance de Paris est compétent lorsque le défendeur demeure à l’étranger ou n’a ni domicile ni résidence connus. »

 

Cette action a déjà fait l’objet d’un commentaire sur Vivaldi chronos[2] : le lecteur y sera renvoyé pour la partie législative, seule la partie règlementaire sera abordée ici.

 

1. La Procédure

 

La demande est formée conformément aux dispositions du code de procédure civile. Elle doit notamment contenir :

 

Un rappel des cas individuels présentés ;

 

La copie de l’arrêté d’agrément dont se prévaut l’association ;

 

En outre, la demande doit être formée devant le Tribunal de Grande Instance « du lieu où demeure le défendeur », c’est-à-dire, pour une personne morale,puisque ce genre d’action visera exclusivement les sociétés, le siège social ou les établissements de la société, si tant est que ces établissements jouissent d’une certaine autonomie, conformément à la théorie des gares principales[3].

 

L’appel interjeté contre le jugement sera jugé selon la procédure à bref délai.

 

2. L’articulation de la procédure

 

Phase introductive : le jugement déclaratif de droit

 

Comme nous vous le précisions dans le commentaire de la Loi, la procédure est introduite par une association de consommateurs, pouvant être épaulée par des avocats ou huissiers de justice (art R423-5) sur la base d’une première liste de consommateurs répondant à un groupe défini au sens de l’article L 423-1 du Code de la Consommation.

 

Si, à l’issue de la procédure, l’action de groupe est admise, le Juge :

 

Constate que les conditions de recevabilité mentionnées à l’article L 423-1 sont réunies ;

 

Statue sur la responsabilité du professionnel, « au vu des cas individuels présentés par l’association requérante » et fixe le délai dans lequel les mesures de publicité doivent être mises en œuvre par le professionnel concerné (art R423-6) ;

 

Définit le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée et en fixe les critères de rattachement ;

 

Précise le délai et les modalités d’information, d’acceptation et d’indemnisation des consommateurs ;

 

Renvoie l’affaire à la mise en état et indique la date à laquelle seront examinées les demandes d’indemnisation de consommateurs auxquelles le professionnel n’aurait pas fait droit.

 

Ce jugement doit être porté à la connaissance des consommateurs, aux frais du ou des professionnels, selon les modalités fixées par la même décision « déclarative de droit », selon un formalisme prévu par l’article R423-9 et R423-13. Cette publicité ne s’impose toutefois aux professionnels que lorsque la décision est exécutoire, ce qui suppose qu’aient été purgées les voies de recours.

 

Phase de liquidation amiable de l’action de groupe

 

Après la publication de la décision selon les modalités fixées par le jugement, les consommateurs absents de la procédure d’origine mais qui seraient susceptibles d’appartenir au groupe tel qu’il a été défini par le jugement dont la publicité a été ordonnée, pourront :

 

       s’adresser directement aux professionnels ou à l’association de consommateurs, par tout moyen permettant d’en accuser la réception (LRAR, fax, ou mail sous réserve d’être accusé réception) en mentionnant expressément le montant de l’indemnisation accepté et en fournissant une adresse mail permettant de recevoir copie des éléments de procédure.

 

       Adhérer, par tous moyens permettant d’en accuser réception, à l’action introduite par l’association des consommateurs. Si l’adhésion est faite auprès de l’association, elle vaut mandat aux fins d’indemnisation au profit de l’association requérante et pouvoir d’accomplir tous actes de procédure, y compris d’appel ; Si l’adhésion est faite auprès du professionnel, le consommateur doit en informer l’association requérante.

 

Si le consommateur est directement indemnisé par le professionnel, pas de problème ; si au contraire, la procédure passe par l’intermédiation de l’association, alors « toute somme reçue par l’association au titre de l’indemnisation des consommateurs lésés est immédiatement versée en compte de dépôt à la Caisse des Dépôts et Consignations. Ce compte ne peut faire l’objet de mouvements en débit que pour les versements des sommes dues aux intéressés. »

 

Cette phase de liquidation amiable du préjudice est déterminée par le jugement déclaratif de droit qui fixe également des délais au terme de la liquidation amiable, pour le saisir de « la liquidation judiciaire et réparation forcée du préjudice » (Section 4 §4 du décret).

 

Liquidation judiciaire du préjudice

 

Elle est instaurée par l’article L 423-12 qui dispose que : « Le Juge ayant statué sur la responsabilité tranche les difficultés qui s’élèvent à l’occasion de la mise en œuvre du jugement. »

 

Les demandes d’indemnisation refusées sont donc portées devant le TGI, en vue de l’audience fixée lors de l’admission par le juge de l’action de groupe.

 

A défaut de telles demandes, le juge constate l’extinction de l’instance (art R423-20).

 

Dans le cadre de l’exécution du jugement, l’association requérante devra, à peine de nullité, préciser l’identité de l’ensemble des consommateurs qu’elle représente (Art R423-22).

 

3. Quid des consommateurs qui ne se seront pas manifestés ?

 

Les consommateurs membres du groupe qui n’ont pas exprimé leur acceptation et les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe qui n’y ont pas adhéré dans le délai et selon les modalités fixés par le juge ne sont plus recevables à demander leur indemnisation dans le cadre de l’action de groupe et ne sont pas représentés par l’association requérante. (art R423-11 et R423-16).

 

Leur demande devra faire l’objet d’une action séparée, avec les coûts qu’elle engendre…

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cf Site internet de l’UFC Que Choisir

[2] Cf article Me Eric DELFLY, 16 avril 2014

[3] 2ème civ, 20 octobre 1965, n°63-12992

 

Partager cet article
Vivaldi Avocats