La réception de l’ouvrage est sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l’établissement du solde du décompte définitif.
Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 10/10/2022, 455188
I –
Dans le cadre du chantier de construction d’une médiathèque, une communauté d’agglomération a conclu un marché de maîtrise d’œuvre avec un groupement conjoint d’entreprises.
Le mandataire du groupement a été rendu destinataire d’un titre exécutoire émis par le maître de l’ouvrage et l’a contesté devant le juge administratif.
Il a été débouté en première instance.
Se fondant sur les dispositions de l’article 3.1 du CCAG applicable aux marchés de prestations intellectuelles, la cour administrative d’appel a annulé le jugement rendu au motif que la responsabilité du mandataire ne pouvait plus être recherchée dès lors que la mission du groupement était terminée.
La communauté d’agglomération a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt
II –
L’article 3.1 du CCAG applicable aux marchés de prestations intellectuelles prévoit :
« L’un d’entre eux, désigné dans l’acte d’engagement comme mandataire, est solidaire de chacun des autres dans les obligations contractuelles de celui-ci à l’égard de la personne responsable du marché, jusqu’à la date où ces obligations prennent fin ; cette date est soit l’expiration de la garantie technique prévue à l’article 34, soit, à défaut de garantie technique, la date de prise d’effet de la réception des prestations. Le mandataire représente, jusqu’à la date ci-dessus, l’ensemble des cotraitants conjoints vis-à-vis de la personne responsable du marché pour exécution de ce dernier ».
De plus, l’article 20 du CCAP du marché de maîtrise d’œuvre conclu prévoit que la mission du maître d’œuvre s’achève à la fin de la garantie de parfait achèvement ou par la levée des réserves signalées lors de la réception.
Le Conseil d’État relève l’erreur de droit commise par la cour administrative d’appel qui a jugé que la responsabilité de la société mandataire du groupement solidaire ne pouvait plus être recherché en cette qualité à compter de la date à laquelle la mission du groupement de maîtrise d’œuvre s’était achevée :
« La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage. Si elle interdit, par conséquent, au maître de l’ouvrage d’invoquer, après qu’elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l’ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure. Ainsi, la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l’établissement du solde du décompte définitif. Seule l’intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d’interdire au maître de l’ouvrage toute réclamation à cet égard.
En jugeant qu’en application des stipulations précitées de l’article 3.1 du CCAG-PI, la responsabilité de la société FRA Architectes ne pouvait plus être recherchée en sa qualité de mandataire solidaire du groupement de maîtrise d’œuvre à compter de la date à laquelle la mission du groupement de maîtrise d’œuvre s’était achevée alors que si cette dernière date marque la fin des relations contractuelles, elle demeure, ainsi qu’il a été dit au point précédent, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, qui lient le mandataire au titre de l’engagement solidaire qu’il a contracté, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. Il suit de là que la communauté d’agglomération du Grand Angoulême est fondée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ».
III –
Le Conseil d’État rappelle ainsi, que l’acte de réception ne met fin au rapport contractuel entre le maître d’ouvrage et les constructeurs qu’en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage. En revanche, et conformément à sa jurisprudence antérieure (CE, 6 avril 2007, n°264490), La réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché. Seule l’intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d’interdire au maître d’ouvrage toute réclamation à cet égard.
Dès lors, tant que la responsabilité des membres du groupement peut être recherchée par le maître d’ouvrage, celle du mandataire solidaire, en cette qualité peut l’être aussi.