Demande de renouvellement adressée uniquement à l’usufruitier de l’immeuble

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : 3ème civ, 21 mai 2014, n°13-16578, FS-D

 

En l’espèce, une demande de renouvellement a été adressée par un preneur à bail commercial, uniquement à son bailleur usufruitier, à l’exclusion du nu-propriétaire.

 

L’usufruitière, qui savait sans doute que la demande de renouvellement du preneur était formulée la veille de la douzième année du bail, pour la date de sa douzième année (ce qui permettait au loyer de renouvellement de bénéficier du plafonnement[1], conformément aux dispositions de l’article L145-34 al 3 du Code de commerce) avait informé le preneur qu’elle n’avait pas qualité à recevoir l’acte puis, avec le concours du nu-propriétaire, avait délivré congé avec offre de renouvellement pour un loyer « fortement majoré ».

 

En jugeant opposable au nu-propriétaire la demande de renouvellement, la Cour d’appel de Colmar pensait se conformer aux dispositions d’un arrêt de revirement du 9 décembre 2009[2] rendu par la Cour de cassation, aux termes duquel « l’usufruitier d’un immeuble à usage commercial donné à bail a le pouvoir de délivrer seul un congé au preneur et que le refus de renouvellement a les mêmes effets qu’un congé ». La Haute Juridiction en déduisait que l’usufruitier peut refuser seul le renouvellement d’un bail commercial.

 

Pour les juges de Colmar, « l’article L. 145-10 du code de commerce permet de présenter une demande de renouvellement au gérant de l’immeuble et, en cas de pluralité de propriétaires, à un seul d’entre eux ». Les juges du fonds assimilent l’usufruitière au gérant ou au copropriétaire, et retient qu’ « il n’y a pas d’identité nécessaire entre le destinataire de la demande de renouvellement et la personne qui peut consentir à ce renouvellement », de sorte que l’usufruitière pouvait parfaitement recevoir la demande de renouvellement au nom du bailleur.

 

L’arrêt est cassé au visa de l’article 595 alinéa 4 du Code civil : « l’usufruitière du bien (…) n’avait pas le pouvoir d’acquiescer sans le concours du nu-propriétaire à une telle demande ». Or, accepter qu’une demande de renouvellement puisse être délivrée au seul usufruitier, produit le même effet, puisqu’« à défaut d’avoir fait connaître ses intentions [dans les trois mois de la signification de la demande de renouvellement], le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent. »

 

Au demeurant, la motivation de l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar était d’ailleurs erronée, puisque l’usufruitier ne peut être considéré comme « gérant » du bailleur, étant lui-même bailleur, ni comme copropriétaire, puisqu’il ne dispose que du droit de se servir du bien et d’en recevoir les revenus. Il ne peut donc être considéré comme le représentant du bailleur ou de l’indivision bailleresse.

 

L’usufruitière n’avait donc pas qualité pour recevoir, seule, la demande de renouvellement, qui devait également être adressée au nu-propriétaire.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] 3ème civ, 21 décembre 1993, n°91-20119, Publié au Bulletin

[2] 3ème civ, 9 décembre 2009, n°08-20512, FS-P+B. Pour la jurisprudence antérieure, cf 3ème civ, 24 mars 1999, n°97-16856

 

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