Défaut d’impartialité de la procédure de sanction de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaire

Harald MIQUET
Harald MIQUET

 

Source : Décision n° 2017-675 QPC du 24 novembre 2017

 

Dans sa décision n° 2017-675 QPC du 24 novembre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré les deuxième et cinquième à neuvième alinéas de l’article L. 6361-14 du code des transports contraires à la Constitution.

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 septembre 2017 par le Conseil d’État (décision n° 412205 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Queen Air compagnie aérienne tchèque, qui sur le fondement de ces dispositions a écopé de deux amendes infligées par l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaire pour avoir enfreint les restrictions d’horaires d’atterrissage et de décollage applicables à l’aéroport de Nice.

 

Avant de retracer l’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées fait par le Conseil Constitutionnel (2), nous exposerons une brève présentation des compétences de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaire (1).

 

1. l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaire (ACNUSA)

 

a. Présentation et missions

 

L’ACNUSA est une autorité administrative indépendante (AAI) créée par la loi n° 99-588 du 12 juillet 1999 portant création de l’autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires ;

 

Les compétences de cette autorité, initialement limitées aux nuisances sonores, ont ensuite été élargies aux nuisances atmosphériques engendrées par le transport aérien et, de manière générale, par l’activité aéroportuaire ;

 

Les règles relatives à l’organisation, le fonctionnement et les missions de l’ACNUSA sont codifiées aux articles L. 6361-1 à L. 6361-11 du code des transports.

 

L’ACNUSA a pour missions et compétences :

 

L’émission de recommandations sur toute question relative aux nuisances environnementales générées par le transport aérien sur et autour des aéroports. Pour les nuisances sonores, ces recommandations sont relatives à la mesure du bruit, et notamment à la définition d’indicateurs de mesure adéquats, à l’évaluation et à la maîtrise des nuisances sonores du transport aérien et de l’activité aéroportuaire ainsi qu’à la limitation de leur impact sur l’environnement, notamment par les procédures particulières de décollage ou d’atterrissage élaborées en vue de limiter les nuisances sonores.

 

La mise en ouvre d’un pouvoir réglementaire. En application de l’article L. 6361-6 du CT, elle définit ainsi diverses prescriptions en matière de bruit.

 

La mise en œuvre d’une mission de contrôle en matière de balisage des pistes.

 

L’exercice d’un pouvoir de sanction : elle peut prononcer des amendes administratives à l’encontre de certains acteurs du transport aérien.

 

b. Focus sur les pouvoir de sanction de l’autorité

 

En application de l’article L. 6361-12 du CT, l’ACNUSA est compétente pour prononcer des amendes administratives à l’encontre :

 

« 1° De la personne exerçant une activité de transport aérien public au sens de l’article L. 6412-1 [soit le transport aérien effectué à titre onéreux] ; « 2° De la personne au profit de laquelle est exercée une activité de transport aérien au sens de l’article L. 6400-1 [soit le fait d’« acheminer par aéronef d’un point d’origine à un point de destination des passagers, des marchandises ou du courrier »] ; « 3° De la personne exerçant une activité aérienne, rémunérée ou non, autre que celles mentionnées aux 1° et 2° du présent article ; « 4° Du fréteur dans le cas défini par l’article L. 6400-2 [soit le fréteur qui met à la disposition d’un affréteur un aéronef avec équipage], ne respectant pas les mesures prises par l’autorité administrative sur un aérodrome fixant : « a) Des restrictions permanentes ou temporaires d’usage de certains types d’aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes, de la classification acoustique, de leur capacité en sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage ; « b) Des restrictions permanentes ou temporaires apportées à l’exercice de certaines activités en raison des nuisances environnementales qu’elles occasionnent ; « c) Des procédures particulières de décollage ou d’atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol ; « d) Des règles relatives aux essais moteurs ; « e) Des valeurs maximales de bruit ou d’émissions atmosphériques polluantes à ne pas dépasser ».

 

2. Examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

 

Le recours QPC fait grief aux dispositions querellées de méconnaître les principes d’indépendance et d’impartialité qui découlent de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

 

Plus spécifiquement, la société requérante reproche à la procédure de sanction de l’ACNUSA, l’absence de séparation entre, les fonctions d’instruction, de poursuite et celles de jugement.

 

Le moyen est accueilli par le Conseil qui au terme de l’analyse de la procédure de sanction de l’Autorité relève que son président dispose du pouvoir d’opportunité des poursuites des manquements constatés alors qu’il est également membre de la formation de jugement de ces mêmes manquements.

 

La décision d’inconstitutionnalité du Conseil n’est pas surprenante en ce qu’elle s’inscrit dans une jurisprudence constitutionnelle désormais balisée des AAI exerçant un pouvoir de sanction.

 

En ce sens voir notamment :

 

– Décision n° 2011-200 QPC relative au pouvoir disciplinaire de la Commission bancaire, par laquelle le Conseil constitutionnel a expressément jugé que la séparation des fonctions de poursuite et de jugement s’imposait aux AAI exerçant des fonctions que la loi qualifie de juridictionnelle ;

 

– Décision n° 2013-331 QPC14, par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif de sanction de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).

 

Harald MIQUET

Vivaldi-Avocats

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