Conditions d’application des pénalités de retard de l’article L145-30 du Code de commerce

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 2 octobre 2012, n°11-17098, F-P+B

 

En l’espèce, dans le cadre du non renouvellement d’un bail moyennant le versement, au profit du preneur, d’une indemnité d’éviction, cette indemnité avait été fixée provisoirement par jugement du 5 décembre 2006. En exécution de ce jugement, le propriétaire consignait le montant de l’indemnité entre les mains d’un séquestre et mettait en demeure son preneur de libérer les lieux pour le 30 juin 2007, terme d’usage.

 

Le 9 juillet 2008, le preneur a pratiqué une saisie attribution sur un compte appartenant au bailleur, puis a libéré les lieux le 24 octobre suivant.  Le bailleur a assigné le preneur en nullité de la saisie, alléguant que l’indemnité d’éviction n’était plus due, conformément aux dispositions de l’article L145-30 du Code de commerce. En effet, en raison de l’application d’une pénalité d’1% par jour de retard à compter de la mise en demeure, et en considérant qu’une durée supérieure à 100 jours s’était écoulée, l’indemnité d’éviction avait donc été vidée de l’ensemble de son contenu.

 

La Cour d’appel de Bordeaux a confirmé la décision des premiers juges prononçant la nullité de la saisie attribution. Pour les juges du fond, il appartenait au preneur de libérer les lieux au plus tard le 30 juin 2007 en application de l’exécution provisoire de la décision du 5 décembre 2006, et de la mise en demeure consécutive du bailleur. Pour échapper à cette éviction, il appartenait au preneur de solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire de la fixation de l’indemnité d’éviction et corrélativement l’application des dispositions de l’article L145-30 du Code de commerce.

 

Saisie d’un pourvoi formé par le preneur, reprochant au juge d’avoir considéré que le point de départ de la fixation de l’indemnité d’éviction était le jugement de première instance, en raison du prononcé de l’exécution provisoire, et non l’arrêt confirmatif du 7 janvier 2008 fixant à titre définitif l’indemnité d’éviction, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel.

 

Même si une décision fixe provisoirement le montant de l’indemnité d’éviction, les dispositions des articles L145-28 à L145-30 du Code de commerce ne sont applicables qu’en vertu d’une décision définitive : soit l’arrêt confirmant le montant de l’indemnité d’éviction, soit ladite décision prononçant l’exécution provisoire, en l’absence d’appel dans le délai légal.

 

Il aurait donc fallu pour le bailleur, à l’issue de l’arrêt confirmatif du 7 janvier 2008, réitérer sa mise en demeure de quitter les lieux, mais cette fois au 30 juin 2008, terme d’usage, en rappelant au preneur que l’indemnité d’éviction était consignée. Ne l’ayant pas fait en l’espèce, la pénalité de retard de 1% n’a donc pas pu être appliquée.

 

Rappelons que l’article L145-29 du Code de commerce a été modifié par la loi dite « de modernisation de l’économie »[1] qui a supprimé toute référence aux usages locaux. Dès lors, « en cas d’éviction, les lieux doivent être remis au bailleur à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la date du versement de l’indemnité d’éviction au locataire lui-même ou de la notification à celui-ci du versement de l’indemnité à un séquestre ».

 

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] Loi n°2008-776 du 4 août 2008 – art 46

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