Charges locatives : tout ce qui n’est pas stipulé n’est pas dû !

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : projet de loi n°1338, du 21 aout 2013, relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et rappel de jurisprudence.

 

Dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la refacturation des charges acquittées par le bailleur sur le preneur, synthétisée ci-après, un projet de loi prévoit l’introduction d’un article L145-40-2 dans le code de commerce :

 

« Tout contrat de location comporte un inventaire précis des catégories de charges liées à ce bail comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel »

 

Ce texte est rédigé conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle refuse toute refacturation de charge fondée sur l’usage ou sur une généralité des stipulations. Pour qu’une charge soit remboursable par le preneur, une stipulation expresse doit exister dans le bail. La Haute juridiction est très ferme à ce sujet.

 

Ce projet de loi est donc l’occasion de revenir sur cette jurisprudence :

 

I – Ni l’intention des parties, ni l’usage ne fondent le droit pour le bailleur d’obtenir le remboursement de charges

 

En l’absence de stipulation expresse du bail, le bailleur ne peut obtenir le remboursement:

 

de la TEOM par le preneur[1] ;

 

de dépenses relatives aux travaux de ravalement[2].

 

Cette exigence de la Haute juridiction est sans concession. En conséquence,

 

Même si le preneur a remboursé la taxe foncière pendant toute la durée du bail et en partie lors de son renouvellement, ce qui est d’ailleurs d’usage dans le secteur de la grande distribution, en l’absence de clause expresse du bail, le preneur peut obtenir restitution de ces sommes indument réglées en l’absence de clause expresse du bail[3] ;

 

Aucun usage ne peut justifier un transfert de charge du bailleur au preneur[4]

 

En conséquence, même si la charge des réparations de l’article 606 du Code civil, et de façon générale « de toutes réparations de quelque nature qu’elles soient » incombe au preneur aux termes du bail, si aucune de ses clause ne mentionne expressément les règles de répartition des travaux de « ravalement, de toiture et de chauffage collectif », le bailleur ne peut en exiger le remboursement[5] ;

 

II – Des stipulations insuffisamment précises ne permettent pas le remboursement d’une charge par le preneur

 

La clause de transfert d’une charge réglée par le bailleur sur le preneur doit être expresse et précise. A défaut, la clause trop générale pourra se trouver privée d’effet.

 

Certaines charges ne peuvent d’ailleurs incomber au preneur que lorsque le libellé de la dépense figure au bail. Il en est ainsi des travaux occasionnés:

 

par la vétusté[6] ;

 

par la force majeure[7] ;

 

par une demande de l’administration[8] ;

 

III – Le bailleur de locaux commerciaux ne peut fonder sa demande sur un texte régissant une autre situation locative

 

Seule une stipulation du bail permet au bailleur d’obtenir le remboursement d’une charge par le preneur, même si un texte issu d’une autre législation que celle des baux commerciaux prévoit le remboursement automatique de ces charges. Il en va ainsi du décret n°87-713 du 26 aout 1987 qui répute locatives, donc « récupérables » un certain nombre de charges dans les locations destinées à l’habitat : ce texte est inapplicable dans le cadre du bail commercial[9].

 

Le projet de loi, en imposant au bailleur la mention de l’intégralité des charges supportées par le preneur dans le bail, et à un rappel de ces charges chaque année, dans un inventaire (Art. L. 145-40-2), a donc le mérite de la transparence, dans l’intérêt des deux parties :

 

– du preneur, ainsi protégé de dépenses indues ;

 

– du bailleur, lequel, au terme d’un contentieux, se voit imposer une charge même si, dans l’esprit des deux contractant, cette charge devait être supportée par le preneur.

 

Législation à suivre, que Vivaldi chronos ne manquera pas de commenter.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] 3ème civ, 13 juin 2012, n°11-17114

[2] 3ème civ, 19 décembre 2012, n°11-25414

[3] 3ème civ, 26 mars 2013, 11-24311

[4] 3ème civ, 13 juin 2012, préc.

[5] 3ème civ, 6 mars 2013, n°11-27331

[6] 3ème civ, 7 décembre 2004, n°03-19203

[7] 3ème civ, 31 octobre 2006, n°05-19171

[8] 3ème civ, 27 mars 2002, n°00-22561

[9] 3ème civ, 3 octobre 2012, n°11-21108

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