Bail commercial, convention d’occupation précaire, action en paiement des loyers et prescription

Alexandre BOULICAUT
Alexandre BOULICAUT - Juriste

La troisième chambre civile juge dans un arrêt inédit du 6 juillet 2022, que la prescription quinquennale est applicable au recouvrement de toutes sommes échues et exigibles, qu’il s’agisse de loyers ou d’indemnités d’occupation, le point de départ du délai de prescription étant fixé à la date des avis de mise en recouvrement.

SOURCE : Cass. civ 3ème, 6 juillet 2022, n°21-15039 et 21-15040, Inédit

I –

A la base du contentieux soumis à la censure de la Cour de cassation, une société chargée par une commune de mettre en place une cité modulaire provisoire, a conclu avec un locataire une convention d’occupation précaire portant sur un local à usage commercial moyennant une indemnité mensuelle, renouvelée jusqu’en 2009.

La commune a repris la gestion du local à compter du 1er janvier 2010 et le locataire est demeuré dans les lieux sans s’acquitter de l’indemnité d’occupation.

Par un arrêt définitif en date du 18 février 2016, la Cour d’appel [d’Aix-en-Provence] a requalifié la convention d’occupation précaire en bail commercial et fait injonction à la commune d’établir un bail commercial.

Le 20 novembre 2017, la commune a délivré au locataire un avis d’avoir à payer les loyers et les charges depuis le 1er janvier 2009 jusqu’au 31 décembre 2007.

Se prévalant de la prescription quinquennale, le locataire a assigné la commune en fixation de l’arriéré locatif à un montant inférieur.

II –

La commune soutient devant la juridiction d’appel au visa de l’article 2224 du Code civil, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit en a connu ou en aurait connu les faits lui permettant de l’exercer. Ainsi, la Cour ayant constaté que ce n’est que par un arrêt du 18 février 2016 que l’existence d’un bail commercial avait été reconnue, le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement devait être fixé à cette date, et  au plus tôt à la date de la demande formée par le locataire tendant à reconnaître l’existence d’un bail commercial.

La Cour n’est point sensible à cette argumentation, puisqu’elle juge prescrite la demande en paiement des loyers antérieure au 20 novembre 2012, aux motifs que le paiement des sommes périodiquement échues se prescrit par cinq ans, de sorte que le recouvrement ne pouvait être mise en œuvre plus de cinq ans avant la demande en paiement du 20 novembre 2017.

Saisie d’un pourvoi formé par la commune, la troisième chambre civile se prononce sur le délai  de prescription applicable aux actions fondées sur le recouvrement des sommes échues ou exigibles périodiquement et juge que la prescription quinquennale est applicable, peu importe qu’il s’agisse de loyers ou d’indemnités d’occupation.

La Haute juridiction ne manque pas de relever dans le cas d’espèce, (i) que la convention d’occupation précaire ayant été requalifiée en bail commercial, les loyers se sont substitués aux indemnités d’occupation et (ii) qu’aucun acte interruptif d’instance (par exemple une assignation) n’était intervenu avant les avis de mise en recouvrement du 20 novembre 2017.

En outre, les avis de mise en recouvrement du 20 novembre 2017 avaient pour objet le paiement de créances échues pour partie, antérieurement au 20 novembre 2012.

La Cour de cassation en déduit donc à bon droit, que l’action de la commune était prescrite pour les loyers antérieurs au 20 novembre 2012.

III –

Nous profitons de ce CHRONOS pour rappeler aux lecteurs que les actions exercées en application du statut des baux commerciaux (articles L145-1 et suivants et R145-1 et suivants du Code de commerce) se prescrivent par deux ans[1] (prescription biennale) : à titre d’illustration non exhaustive on retrouve les actions en fixation du loyer de renouvellement, les actions en fixation d’une indemnité d’éviction, les actions en validité d’un congé …

A l’inverse, les actions non fondées sur les dispositions du statut des baux commerciaux, relèvent de la prescription de droit commun de cinq ans[2], dont les litiges relatifs au paiement des arriérés de loyers[3], le point de départ du délai de prescription étant fixé à la date de mise en recouvrement des sommes dues.


[1] Article L145-60 du Code de commerce

[2] Article 2224 du Code civil

[3] En ce sens, CA COLMAR, 31 août 2011, n°10/05165, civ 1ère

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