Source : Cass.3ème Civ.,16 février 2022, n°20-19.047
C’est ce que précise la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation dans cette décision, publiée au bulletin, comme suit :
« …
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Dijon, 10 mars 2020), en 2004, M. [X] a confié à la société Develet Frères (la société Develet) la construction d’un bâtiment à usage de stabulation.
2. Les plaques de fibres-ciment composant la couverture ont été vendues à la société Develet par la société Dubois matériaux, aux droits de laquelle vient la société BMRA Point P (la société BMRA), qui les avaient acquises auprès de leur fabricant, la société de droit italien Edilfibro SPA (la société Edilfibro).
3. Les travaux ont été exécutés en 2004.
4. Se plaignant de désordres affectant les plaques de fibres-ciment, M. [X] a assigné la société Develet en référé en 2014, puis au fond en 2016.
5. La société Develet a appelé en garantie les sociétés BMRA et Edilfibro.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, réunis
Enoncé des moyens
6. Par son premier moyen, la société BMRA fait grief à l’arrêt d’écarter la prescription qu’elle opposait à l’action en garantie de la société Develet et de la condamner à garantir intégralement celle-ci des condamnations prononcées à son encontre, alors « que l’acquéreur d’un bien n’est pas recevable à agir contre le vendeur commerçant sur le fondement de la garantie des vices cachés, après l’expiration du délai de prescription prévu à l’article L. 110-4 du code de commerce, lequel court à compter de la vente ; qu’au cas d’espèce, la société BMRA Point P soutenait que l’action en garantie de la société Develet Frères sur le fondement des vices cachés était prescrite dès lors qu’elle avait été intentée le 22 décembre 2014, plus de dix après la vente intervenue le 22 octobre 2004, soit en dehors du délai prévu par l’article L. 110-4 du code de commerce ; qu’en retenant, pour dire l’action en garantie de la société Develet Frères non prescrite, que le cours de la prescription de l’article L. 110-4 du code de commerce était suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par M. [X], les juges du fond ont violé les articles L. 110-4 du code de commerce et 1648 du code civil. »
7. Par son moyen, la société Edilfibro fait grief à l’arrêt de condamner la société BMRA à garantir intégralement la société Develet des condamnations prononcées à son encontre, alors « que l’action en garantie des vices cachés prévue à l’article 1648 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, qui doit être exercée dans un bref délai à compter de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription fixé par l’article L. 110-4 du code de commerce, lequel, d’une durée de dix ans ramenée à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, court à compter de la vente initiale ; que la société Edilfibro, pour voir déclarer sans objet d’action en garantie de la société BMRA Point P à son encontre, invoquait l’irrecevabilité de l’action en garantie exercée par la société Develet Frères contre la société BMRA Point P compte tenu de ce que la vente litigieuse avait été conclue entre ces deux parties le 22 octobre 2004, qu’elle était prescrite en application de l’article L. 110-4 du code de commerce à compter du 19 juin 2013 et que l’action a été engagée tardivement le 22 décembre 2014 ; qu’en écartant ce moyen après avoir affirmé que le cours de la prescription de l’article L. 110-4 du code de commerce était suspendu jusqu’à ce que la responsabilité de la société BMRA Point P ait été recherchée par le maître de l’ouvrage, la cour d’appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et 1648 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Selon l’article 2270, devenu 1792-4-1, du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu de l’article 1792 du même code n’est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle en application de ce texte que dix ans après la réception des travaux.
9. Il était également jugé que l’action en responsabilité contractuelle de droit commun pour les vices intermédiaires, fondée sur l’article 1147, devenu 1231-1, du code civil, devait s’exercer dans le même délai (3e Civ., 26 octobre 2005, pourvoi n° 04-15.419, Bull. 2005, III, n° 202), comme en dispose désormais l’article 1792-4-3 du code civil, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.
10. D’une manière plus générale, les vices affectant les matériaux ou les éléments d’équipement mis en oeuvre par un constructeur ne constituent pas une cause susceptible de l’exonérer de la responsabilité qu’il encourt à l’égard du maître de l’ouvrage, quel que soit le fondement de cette responsabilité.
11. Sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge, le constructeur dont la responsabilité est ainsi retenue en raison des vices affectant les matériaux qu’il a mis en oeuvre pour la réalisation de l’ouvrage, doit pouvoir exercer une action récursoire contre son vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale.
12. Il s’ensuit que, l’entrepreneur ne pouvant pas agir contre le vendeur et le fabricant avant d’avoir été lui même assigné par le maître de l’ouvrage, le point de départ du délai qui lui est imparti par l’article 1648, alinéa 1, du code civil est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de l’article L. 110-4 I du code de commerce, courant à compter de la vente, est suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l’ouvrage.
13. La cour d’appel, qui a relevé que la société Develet avait été assignée par le maître de l’ouvrage le 9 décembre 2014, en a déduit, à bon droit, que l’action récursoire formée contre la société BMRA par acte du 22 décembre 2014 n’était pas prescrite.
14. Les moyens ne sont donc pas fondés…. »