SOURCE : Cass com., 9 octobre 2019, n°18-17.563, FS – P + B + I
La question divisait tant la doctrine que la jurisprudence : La résiliation du bail prévue par les articles L641-12 et R641-21 du Code de commerce, qui disposent que :
« Sans préjudice de l’application du I et du II de l’article L. 641-11-1, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient dans les conditions suivantes :
(…)
3° Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l’article L. 622-14. »
« Le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l’article L. 641-11-1 et à l’article L. 641-12 ainsi que la date de cette résiliation. »
Nécessite-t-elle, lorsque la demande est portée devant le Juge Commissaire saisi sur requête, de respecter préalablement les dispositions de l’article L145-41 du Code de commerce :
« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai »,
à savoir la délivrance préalable d’un commandement de payer visant la clause résolutoire ?
La Cour de cassation avait en effet affirmé qu’un commandement devait être délivré en cas de saisine du Juge des référés pour constater la résiliation du bail[1] mais ne s’était pas clairement positionnée sur le respect de ces formalités préalables devant le Juge commissaire, même si le droit prétorien antérieur à l’adoption de la loi de sauvegarde du 25 juillet 2005[2], et une décision postérieure peu précise[3], semblaient orienter le praticien vers l’autonomie du texte, position qu’ont adoptée les Cours d’appel d’Orléans[4], Aix en Provence[5] et Bordeaux[6].
Au contraire, les Cours d’appel de Paris[7], Lyon[8] et Douai[9] estimaient que le bailleur, pour qu’il soit constaté (et non prononcé) la résiliation du bail, devait viser la clause résolutoire et précéder sa demande d’un commandement demeuré infructueux pendant plus d’un mois, même devant le Juge commissaire. Conséquemment à défaut de clause résolutoire valable stipulée au bail, le bailleur n’avait alors d’autre choix que de faire prononcer la résiliation, laissant les fautes du preneur à l’appréciation souveraine du juge consulaire.
La position adoptée par ces dernières avait le mérite de se conformer à l’intention du législateur qui, en distinguant la demande de constat de la résiliation du bail, de celle de son prononcé, avait nécessairement entendu se référer aux modalités de résiliation contractuelle[10].
Telle n’est cependant pas la position retenue par la Haute Cour dans l’arrêt commenté, dont l’attendu de principe est particulièrement clair :
« Vu les articles L. 641-12, 3° et R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce ;
Attendu que lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement du premier de ces textes, d’une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d’un immeuble utilisé pour l’activité de l’entreprise, en raison d’un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l’article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail ; »
Pour en déduire que
« (…) le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’était pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L. 145-41 du code de commerce (…)» ;
Ainsi la liquidation judiciaire oblige-t-elle le liquidateur à la plus grande rigueur dans le paiement du loyer et des charges, passé le délai de trois mois.
Mais le droit prétorien pourrait être différent dans le cadre d’un redressement judiciaire ou d’une sauvegarde, pour lesquels les textes qui les régissent ne prévoient aucune résiliation du bail « de plein droit », comme le rappelle Maître Emmanuelle LE CORRE-BROLY[11], pour laquelle « lorsque la procédure est un redressement judiciaire ou une sauvegarde, le défaut de paiement de loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture n’entraîne pas la résiliation légale de plein droit du contrat mais autorise le bailleur à faire constater la résiliation du bail commercial, en application de la clause de résiliation conventionnelle, de sorte qu’il convient alors nécessairement de délivrer préalablement un commandement de payer visé à l’article L. 145-41 du Code de commerce. »
Ce qui aurait, comme le rappelle l’auteur, le mérite de favoriser le sauvetage de l’entreprise.
[1] 3ème civ, 28 juin 2011, n°10-19.331
[2] Chambre commerciale, 16 mai 2006, n°04-18.578, Inédit
[3] Chambre commerciale, 21 février 2012, n°11-11.512, Publié au bulletin
[4] CA ORLEANS, 15 novembre 2018, n°18/00810 et 24 janvier 2019, n°18/00873
[5] CA AIX EN PCE, 21 Février 2013, n°12/07700
[6] CA BORDEAUX, 29 juin 2015, n°14/07310
[7] CA PARIS, Pole 5 ch 8, 4 avril 2018, n°17/19289
[8] CA LYON, 14 juin 2018, n°17/07301
[9] CA DOUAI, CH 2 S2, 18 mai 2017, n° 16/00662
[10] Cf Emmanuelle LE CORRE-BROLY, La résiliation du bail commercial en raison d’un défaut de paiement de loyers et charges postérieurs au jugement de liquidation précisions importantes, http://www.lexbase.fr/, La lettre juridique n°800 du 24 octobre 2019, n°N0922BYS
[11] Cf Emmanuelle LE CORRE-BROLY, préc.