Un ancien dirigeant de droit du débiteur peut présenter une offre de reprise, sauf en cas de fraude

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com 23 septembre 2014 Pourvoi n°13-19.713 F-P+B

 

L’article L642-3 du Code de Commerce liste les personnes interdites de présenter une offre de reprise d’une société en liquidation judiciaire (ou en redressement judiciaire par renvoi de l’article L631-22).

 

Parmi celles-ci figurent notamment les dirigeants de fait ou de droit de la débitrice.

 

En revanche, le texte est muet relativement aux anciens dirigeants, de sorte qu’il faut considérer que ces derniers sont en droit de présenter une offre.

 

Le cas d’espèce est intéressant car il concerne un ancien dirigeant très particulier.

 

En effet, la débitrice est une société ayant pour activité la conception de jeux automatiques à installer dans les débits de boissons. Son gérant a été poursuivi pour infraction à la législation sur les jeux de hasard, et placé sous contrôle judiciaire, celui-ci comportant l’interdiction pour lui de dirigeant la société.

 

Le gérant était donc remplacé à la tête de la société, et son successeur déposait le bilan 8 jours après sa nomination et sollicitait le bénéfice d’un redressement judiciaire, auquel faisait droit le Tribunal de commerce.

 

La procédure de redressement s’orientait alors vers un plan de cession, sur lequel se positionnaient deux offreurs, dont le dirigeant initial, remplacé quelques mois plus tôt !

 

A la lecture de l’arrêt, on sent la gêne ressentie par la Cour d’Appel dans la motivation de sa décision. En effet, la lettre de L631-22 du Code de Commerce n’interdit pas à un ancien dirigeant de présenter une offre. Pour autant, le caractère « injuste » d’une reprise du fonds de commerce par l’ancien dirigeant, écarté par des faits pénalement répréhensibles, est clairement perceptible.

 

La motivation de l’arrêt d’appel est ainsi particulièrement bancale, et tente de tordre le texte pour parvenir à caractériser l’irrecevabilité de l’offre de l’ancien dirigeant.

 

Ce que va sanctionner la Cour de Cassation.

 

La Haute Cour rappelle tout d’abord le principe : rien n’empêche l’ancien dirigeant de présenter une offre, et censure la Cour d’appel d’avoir statué autrement.

 

Pour autant, elle semble « tendre des perches » pour écarter ce type d’offres.

 

Tout d’abord, elle rappelle que si rien n’empêche l’ancien dirigeant de présenter d’offre, l’application du texte relève du droit commun. Ainsi, en cas de fraude, l’offre devra être déclarée irrecevable.

 

Il s’agit du premier moyen de cassation : pour n’avoir pas caractérisé cette fraude, la cour d’appel ne pouvait déclarer irrecevable l’offre présentée par une personne ne figurant pas sur la liste des interdictions de L631-22.

 

Ensuite, si sur le principe, l’ancien dirigeant n’est pas visé par L631-22, c’est pour autant qu’il ne soit pas démontré à son égard une direction de fait. La Cour d’appel s’était également aventuré sur ce terrain, mais la Cour de Cassation, au titre d’un second moyen, censure également l’arrêt d’appel, estimant que les motifs retenus étaient insuffisants pour caractériser la gérance de fait.

 

Enfin, et même si cela n’est pas rappelé par l’arrêt, le litige porte sur la seule question de la recevabilité de l’offre, c’est-à-dire sur la forme. Il restera aux juges du fonds, une fois ce premier débat vidé, à se pencher sur le fonds de l’offre et sa pertinence, notamment bien évidemment, au regard de la personne de l’offreur et de son passé.

 

Gageons que l’affaire est loin d’être terminée. VIVALDI Chronos regardera d’un œil attentif les prochaines décisions à intervenir.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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